Hôtels mythiques Le cercle des écrivains new-yorkais

Par Isabelle LefortBâti en 1902, l'hôtel Algonquin devait s'appeler « Le puritain ». Il bénéficie d'une localisation géographique exceptionnelle : situé sur la 59 west 44 th street, il jouxte le New York Yacht club, le Harvard Club, mais surtout il est au centre de Broadway. Le coeur vibrant et intellectuel du Mid New?York. Mais c'est véritablement en juin 1919 que naît la légende de l'hôtel Algonquin quand une bande de jeunes critiques de théâtre (ils n'ont pas trente ans) journalistes au Vanity Fair, Dorothy Parker, Robert Blenchey et Robert E. Sherwood décident de se retrouver autour d'un déjeuner pour fêter le retour de leur ami, Alexander Woollcott, le critique du New York Times, de retour de la guerre. L'ambiance, un cocktail de bons mots, de critiques satiriques et autres pointes acerbes, est si amusante que rendez-vous est pris pour le lendemain, puis le surlendemain... Pendant dix ans, ce qui devient le « cercle vicieux », mais aussi officiellement le Round Table, concentre les plus brillants esprits de la scène littéraire. C'est au deuxième étage de l'hôtel qu'est créé en 1926 le New-Yorker, encore aujourd'hui l'une des meilleures revues littéraires au monde. Un mot du groupe du Gonk peut briser ou faire exploser une carrière. C'est le cas de Scott Fitzgerald, Ernest Hemingway et Dos Passos, les héros de ceux que Gertrude Stein nommait la génération perdue. Les auteurs sont toujours les bienvenus à l'Algonquin. Autrefois, contre un livre dédicacé, ils pouvaient passer la nuit grâcieusement. Aujourd'hui encore, ils bénéficient de discount. Les additions étaient toujours indulgentes. En 1929, avec la grande dépression, les soucis personnels des uns et des autres, mais aussi les dissensions politiques nées après les condamnations à mort de Sacco & Vanzetti, le groupe se distend. Dorothy Parker part pour Hollywood et peu à peu succombe à l'addiction de l'alcool, avec plusieurs tentatives de suicide à la clef. « Je pensais que l'humour était notre meilleure arme, l'on ne peut rire de tout. »Résidence toujours prisée des artistes du monde entier, l'Algonquin a retrouvé son lustre de l'époque en 2004 ; le Round Table remet chaque année le prix du meilleur livre humoristique américain. Sous les boiseries de l'Oak Room, Diana Krall comme Harry Connick Junior ont ici donné leurs premiers concerts. Et puis, surtout, tradition parfaitement perpétuée, lorsque l'on pénètre dans l'Algonquin, on croise un matou. C'est dans les années 20 qu'un premier chat est venu se réfugier ici. Depuis, selon qu'il s'agisse d'un mâle, on le nomme Hamlet, d'une femelle Matilda, il vit en paix dans l'hôtel. Sa chaise longue personnelle trône dans l'entrée, personne n'oserait s'assoir dessus. En 2007, pour son septième anniversaire, Matilda a enthousiasmé l'assistance en sautant à quatre pattes dans sa pièce montée ; et sous les regards médusés des 150 convives du tout New York, elle a inscrit ses traces de pattes dans tout l'hôtel. « Oh my god, she is so cute. » Dorothy Parker aurait adoré. Jeudi : le Palais Gresham, à Budapest
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