Vers un fort ralentissement asiatique en 2009 ?

Le Trésor américain vient de créer la surprise en prenant directement à sa charge les pertes des deux géants du crédit hypothécaire Freddie Mac et Fannie Mae. Il s'agit à vrai dire d'une demi-surprise, car ces agences étaient déjà pratiquement dans la mouvance publique et personne n'imaginait qu'on les laisserait faire faillite. À court terme, c'est une bouffée d'oxygène largement saluée par les marchés boursiers. Mais ce sauvetage ne changera pas les fondamentaux macroéconomiques. Le cycle économique mondial est en phase descendante, et il n'a pas encore dépassé son point bas. La crise financière évolue et prend des formes nouvelles. Les tensions sur le marché du crédit bancaire demeurent.Si les situations individuelles des banques sont assez différentes, globalement, les systèmes bancaires américain et européen, dont les actifs ont perdu une partie de leur valeur, doivent impérativement rétablir leur situation de bilan. Elles coupent dans les coûts, elles durcissent leurs conditions de crédit et elles font appel au marché pour augmenter leurs fonds propres.La masse des capitaux disponibles pour l'industrie et le commerce est ainsi deux fois réduite et la crise de la finance s'est transmise, comme il fallait s'y attendre, à l'économie réelle. Les informations récentes publiées par le Fonds de garantie des dépôts américains (FDIC) laissent peu d'espoir. Les banques commerciales et les institutions d'épargne affiliées au FDIC ont réalisé un résultat net de 5 milliards de dollars au deuxième trimestre 2008. C'est le niveau trimestriel le plus bas depuis 1991, et ce niveau représente une baisse de 87 % des résultats par rapport au deuxième trimestre 2007. Le nombre d'institutions de la " problem list " du FDIC a augmenté au deuxième trimestre. La crainte est que les difficultés financières (fortement médiatisées pour les plus grandes institutions, notamment pour les banques d'investissement) ne touchent progressivement une partie des 8.451 institutions affiliées au FDIC, dont les actifs totaux sont de 13.300 milliards de dollars.Déséquilibre du marché du logement.La crise de l'immobilier s'est étendue à l'Europe, particulièrement en Espagne et au Royaume-Uni. Alors que le choc initial était venu des États-Unis, c'est finalement l'Europe et le Japon qui ont connu en premier un trimestre négatif. Il semble en revanche que la résorption des déséquilibres du marché du logement soit désormais avancée aux États-Unis. Les permis de construire sont vraisemblablement proches de leur point bas et le stock de logements à vendre a commencé à se dégonfler. Le niveau restant toutefois encore très élevé, il faut s'attendre à de nouvelles baisses de prix en 2009. Par ailleurs, la fin des chèques fiscaux entraîne déjà un recul du revenu disponible.La crise financière n'est responsable qu'en partie du retournement économique. L'autre cause, au moins aussi importante, vient du choc pétrolier. Les hausses de prix du pétrole (triplement en dix-huit mois) et des matières premières alimentaires (doublement en quelques trimestres) équivalent à un prélèvement sur le pouvoir d'achat et la croissance. L'ordre de grandeur du prélèvement est d'environ 1,5 à 2 % du PIB. Il s'y ajoute les effets multiplicateurs du commerce international. Au total, c'est une année de croissance blanche pour les pays consommateurs. L'euro a un peu atténué les effets du choc pétrolier, mais il ne nous protège pas contre l'instabilité monétaire mondiale.En termes d'instabilité monétaire externe, c'est-à-dire de taux de change, l'euro n'a pas apporté de bouleversement par rapport à la situation antérieure et, en tout cas, pas d'amélioration. Le taux de change de l'euro connaît depuis dix ans des fluctuations importantes, notamment par rapport au dollar. Il est tombé à 0,85 dollar au début de son existence. Il est monté jusqu'à 1,60 dollar il y a deux mois. On peut comparer ces mouvements à ceux de l'euro " reconstitué " obtenu en pondérant les taux de change des anciennes monnaies par le poids économique de chaque pays. L'euro reconstitué avait déjà dépassé 1,40 dollar en 1980 et au début des années 1990, mais il n'avait jamais atteint 1,60 dollar. Il n'y a donc pas plus de stabilité de l'Europe par rapport au monde aujourd'hui que dans le passé.Or, le taux de change, cela compte pour la conjoncture économique. Une seule illustration. Le taux de croissance des exportations en volume entre le premier trimestre 2007 et le premier trimestre 2008 a été de 11 % pour les États-Unis, de moins de 4 % pour la zone euro. Le change explique évidemment une grande partie de l'écart. Les États-Unis gagnent des parts de marché à l'exportation, la zone euro en perd. Un euro trop élevé, comme c'est encore le cas actuellement (malgré sa correction récente), pénalise la compétitivité. Le simple fait que l'euro puisse dépasser certains seuils extrêmes conduit les entreprises à s'organiser pour se préparer à toutes les situations, y compris les situations extrêmes, particulièrement dangereuses pour leur survie.Pour désensibiliser leurs résultats aux mouvements de change, la réponse la plus sûre est de rapprocher les lieux de production des lieux de consommation. Cela veut dire des relocalisations, et cela joue pour de grandes entreprises comme EADS, mais aussi pour des PME comme L'Occitane. Or, ces décisions de relocalisation sont largement irréversibles.Beaucoup rêvent d'un nouveau Bretton Woods, c'est-à-dire au retour d'un système de change organisé à l'échelle mondiale ? L'idée est séduisante mais aujourd'hui hors de portée. Il faudrait pour cela un consensus global des grands pays. Or, les intérêts sont très divergents. Soyons aussi conscients de la dissymétrie des possibilités d'intervention dans le monde. Les réserves de change de la Chine sont de plus de 1.500 milliards de dollars. Avec le Japon et la Corée, cela fait un stock de 3.000 milliards de dollars. À titre de comparaison, les réserves de la Banque centrale européenne sont de 170 milliards de dollars, soit dix-huit fois moins.Reprise aux États-Unis en 2010.L'anomalie majeure aujourd'hui est moins le dollar que le yuan chinois et, dans une moindre mesure, le yen. À court terme, la situation actuelle est très bénéficiaire pour la Chine qui est en surcompétitivité monétaire et accumule des excédents. Mais cette situation recèle potentiellement le risque d'une crise d'ajustement majeure, du type crise asiatique de 1997. C'est là une forte menace sur la conjoncture économique de 2009. Après les États-Unis, puis l'Europe et le Japon, le risque conjoncturel se portera sur l'Asie. Le scénario macroéconomique de référence est simple : 2007 a été l'année du fort ralentissement américain. L'année 2008 est celle du fort ralentissement de l'Europe et du Japon. On peut s'attendre à ce que 2009 soit l'année d'un fort ralentissement asiatique. On aurait ensuite en 2010 le début d'une reprise difficile par les États-Unis, puis en 2011 la reprise économique générale et le retour à une croissance mondiale forte.
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