Avec ou sans sucre  ?

Près de la machine à café, il fait toujours chaud. Normal, 37 oC multipliés par 15 ou 20, ça donne l'impression d'être en été. Il y a toujours une bonne ambiance. Ça donne du courage aussi. Il y a ceux qui finissent de se réveiller en tête-à-tête avec leur gobelet, ceux qui bavardent pour repousser le moment de se mettre au boulot, ceux qui trinquent pour faire le tour des nouvelles de la journée. Ça grouille, ça discute, ça rigole, ça défile. Je n'aurais jamais cru qu'on était si nombreux dans cette boîte.À longueur de journée, la machine toussote en distillant ses petits noirs ? pas très bons, à vrai dire. Elle fait ses douze heures sans broncher. On aimerait être increvable comme elle. On aimerait savoir ce que recherchent les amateurs des trois points de sucre ou de cappuccinos. La machine n'est pas bavarde, elle écoute mais elle garde ses secrets.De la machine au bistrotUn matin, on la trouve éteinte, froide, silencieuse. On s'inquiète. Sans café, la journée commence mal et ça n'ira pas en s'arrangeant. On lui tapote les joues, on la secoue, on lui fait un massage cardiaque, on cherche un bouton sur lequel appuyer.Un distributeur de café qui vous lâche juste avant Noël, ça n'augure vraiment rien de bon. On accuse la crise : à coup sûr, le prestataire a licencié. Les techniciens sont moins nombreux, ils passent moins souvent et la maintenance laisse à désirer. Résultat : le café ne passe plus.Il y a toujours, bien sûr, quelques chefs généreux qui proposent leurs dosettes aux caféinomanes en manque. On accepte mais on est empoté, on n'est pas vraiment chez nous dans le bureau du chef. On s'esquive et on file au bistrot.On passe voir, de temps en temps, si la machine est sortie du coma. On pousse la porte, mais il règne toujours un silence de mort. La machine en rade emmêlait nos repères et refroidissait la température du bureau et des esprits. Quand on l'a vu débarquer avec ses outils et son bonnet rouge, on s'est dit : c'est sûr, si le Père Noël existe, il est réparateur de machines à café. n
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