photographie

Cette femme-là est dangereuse. Non contente d'avoir transformé le musée d'Orsay en planète des singes, convoqué Hitchcock pour un remake des « Oiseaux » dans la chambre de Louis XVI, elle introduit désormais des femmes nues dans d'autres « sanctuaires culturels », voyant en ces donzelles la Vierge ou l'Immaculée Conception. S'en plaindre ? Certainement pas. Car la photographe Karen Knorr n'a pas son pareil pour parler de l'humanité, abolissant par la même occasion toutes sortes de frontières comme en témoigne la petite exposition que lui consacre aujourd'hui le musée Carnavalet à Paris.Née à Francfort, Karen Knorr l'Américaine a grandi à Porto Rico avant de venir en France faire ses études, puis filer à Londres pour les poursuivre. Elle y habite depuis. C'est là, qu'elle prend ses premières photos, en noir et blanc, très documentaires. Réalisées à l'orée des années Thatcher, elles révèlent déjà un humour certain, tout en ironie et en subversion.Fables plastiquesIl y a tout d'abord ces portraits de punks maquillés comme s'il s'agissait d'acteurs de théâtre. L'artiste se focalise ensuite sur les classes dirigeantes anglaises immortalisées dans leur environnement, qu'il s'agisse de clubs de gentlemen ou des demeures huppées du quartier de Belgravia. Autant d'hommes et de femmes bien nés, sûrs de leurs pouvoirs et de leurs privilèges, dont le portrait est toujours accompagné d'une citation cinglante.Mais c'est véritablement au mitan des années 1980 que Karen Knorr impose sa griffe. Elle abandonne le noir et blanc, tourne le dos à l'investigation documentaire pour la photographie plasticienne dans des images aux couleurs luxuriantes qui ne sont pas sans rappeler les « Fables » de La Fontaine. Car les animaux, vivants ou empaillés, font leur entrée dans l'univers de l'artiste qui s'est plu à les héberger dans les plus grands musées ou académies d'art européens, signant ainsi une formidable mise en abyme de la condition humaine.Devant son objectif, des écureuils s'emparent de Carnavalet, un renard y tient salon, hérons et cigognes au cou longiligne déambulent au sein de la très géométrique Villa Savoye dessinée par Le Corbusier. Il y a aussi cette réinterprétation de « l'Olympia » de Manet figurant un modèle quelque peu défraîchi, protégé par un singe peu commode. C'est que Karen Knorr ne cesse d'interroger l'histoire de l'art. Ses photos aux compositions savantes et racées, mêlant argentique et numérique, empruntent autant aux vanités, à la nature morte, qu'aux Hollandais du XVIIe siècle, ou aux tableaux de chasse anglais du XIXe. Aujourd'hui, l'artiste a le regard tourné vers le Rajasthan. Et on attend avec impatience de savoir ce qu'elle est allée y faire.Yasmine Youssi « Karen Knorr, Fables », au musée Carnavalet jusqu'au 30 mai, www.carnavalet.paris.fr. La galerie Les Filles du Calvaire représente l'artiste, 17, rue des Filles-du-Calvaire, 75003 Paris. Tél. : 01.42.74.?47.05. www.fillesducalvaire.com.
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