Des rapports historiques très ambigus avec l'État français

« L'État n'a jamais demandé la tête de Carlos Ghosn », a déclaré mardi le porte-parole du gouvernement, François Baroin. Certes. Pourtant, quand la fausse affaire d'espionnage s'était brutalement dégonflée à la mi-mars, la réaction des pouvoirs publics français avait été particulièrement violente. Et peu amène vis-à-vis des dirigeants du constructeur tricolore. Les prises de position du gouvernement, sa sensibilité et sa réactivité vis-à-vis de ce qui se passe chez Renault, ses interventions souvent brutales, du moins en paroles, illustrent bien toute l'ambiguïté des rapports historiques de l'État français avec la firme automobile nationalisée à la Libération.La Régie n'est en effet devenue une société anonyme qu'en 1990 ! Et celle-ci n'a ouvert son capital qu'en janvier 1991... Aujourd'hui, l'État demeure le premier actionnaire. Mais il ne détient plus que 15 % du groupe de Boulogne-Billancourt. À égalité avec le japonais Nissan, même si ce dernier n'a, il est vrai, pas de droits de vote. 65 % du capital de Renault est dans le public ! Le Land allemand de Basse-Saxe ne détient-il pas, pour sa part, 20 % de Volkswagen ?Délocalisation « en douce »L'État joue toujours un rôle clé. Il a sauvé Renault début 2009, en lui octroyant un prêt d'urgence de 3 milliards d'euros qui lui a permis de faire face à ses échéances. Mais, après tout, l'État a consenti un crédit du même montant à PSA !Le gouvernement a des moyens d'action, mais, malgré ses rodomontades voire ses colères, ceux-ci sont au fond assez limités. De fait, le président de la République, Nicolas Sarkozy, a convoqué Carlos Ghosn, PDG de Renault, début 2010, suite à un article de « La Tribune » évoquant la délocalisation de la future Clio IV de Flins à Bursa, en Turquie. Mais, la participation de l'État n'a pas empêché l'ex-Régie d'être devenue, au fil des ans, le grand constructeur automobile mondial le plus délocalisé. Un comble ! Une délocalisation « en douce », comme la qualifiait d'ailleurs le Premier ministre François Fillon, lors d'une rencontre l'an dernier avec des journalistes spécialistes de l'automobile ! Renault a produit pour la première fois moins de 20 % de ses voitures dans l'Hexagone l'an passé. Et 28 % à peine de ses moteurs et transmissions. Dans le même temps, PSA a assemblé 37 % de ses voitures dans ses usines hexagonales.La même ambiguïté fondamentale des rapports de l'État et de la firme au losange se retrouve dans les enjeux de l'alliance Renault-Nissan. Les ministres de l'Économie et de l'Industrie, Christine Lagarde et Éric Besson, ont ainsi souligné, lundi soir, qu'ils avaient « prévu de faire avec Carlos Ghosn, dans les prochains mois, le point sur la stratégie industrielle, de nature à renforcer l'alliance Renault-Nissan ». L'État a inévitablement son mot à dire. Mais, il n'est pas actionnaire du japonais, qui... pèse deux fois plus que Renault en chiffre d'affaires. C'est d'ailleurs son rôle clé, voire structurant, dans l'alliance, qui finalement préserve Carlos Ghosn des rodomontades gouvernementales. A.-G.V.
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