Climat, santé... Haro sur les marchands de peur !

La peur, cette mauvaise conseillère, s'infiltre dans nos sociétés, inquiètes d'un avenir rendu illisible par les mutations économiques apparues avec la crise, par le réchauffement de la planète, les risques de pandémie... Une peur renforcée par l'espoir fou d'un impossible « risque zéro ». Pour remettre quelques pendules à l'heure, et à leur juste place les prêcheurs de catastrophes comme les dépressifs professionnels, deux économistes nous rappellent quelques saines réalités. Sans sombrer dans un simplisme mystificateur ou un optimisme béat.Le titre même du dernier ouvrage de Jean de Kervasdoué, « La peur est au-dessus de nos moyens », est à la mesure du coup de gueule de l'auteur. Alliant la rigueur de l'économiste de la santé et de l'agronome à un solide bon sens, il cherche à nous dessiller les yeux. Il n'est pas question, pour lui, de réfuter la réalité de risques tenant au réchauffement de la planète. Le problème tient à ce que ces catastrophes sont « incommensurables »... car on ne peut en mesurer les effets à un horizon trop lointain : « Les projections linéaires à trente ans sont toujours fausses. » Bref, sauter sur sa chaise en chantant « Écologie, écologie » ne fait « pas baisser la température du globe ». Elle « réchauffe celle des imprécateurs » qui utilisent la peur comme principal ressort.Un brin excessif ? Jean de Kervasdoué n'exclut ni les bienfaits de certaines technologies « écoresponsables » ni l'idée même de prévention de risques avérés. Il tonne, en revanche, contre l'inanité du « principe de précaution » né des inquiétudes environnementales et qui a désormais droit de cité dans le monde de la santé publique et de la médecine. Un principe qui, à ses yeux, ouvre la voie à tous les conservatismes, voire à l'obscurantisme, sans oublier les méfaits de règlements tatillons mis en place par l'administration, le gaspillage des deniers publics, les freins à la recherche et à la compétitivité que cela entraîne. Voire les dangers pour la santé de tout un chacun.Petite leçon de choses. En matière d'alimentation, ce qui est « naturel » est désormais porté aux nues. Mais, à part quelques lacs et rivières, rien de moins naturel que l'eau très pure qui a permis de faire baisser la mortalité grâce à de multiples techniques d'assainissement. Et rien de moins naturel que le pain et le vin qui tiennent à l'utilisation d'une moisissure dont Pasteur a découvert les vertus thérapeutiques. Quant à la sécurité alimentaire, elle peut être renforcée par l'utilisation intelligente de pesticides. Un « j'accuse » qui ne dédouane en aucun cas les entreprises qui, comme Monsanto ou Pioneer, en ont fait un monopole lucratif et désastreux.Et lorsqu'on arrive sur le terrain de prédilection de l'auteur, la santé, on assiste à un feu d'artifice contre le principe de précaution. Le cas de la grippe H1N1, une pandémie dont nous avons été sauvés par... un virus moins virulent qu'annoncé, est emblématique de la peur qui tend à remplacer le savoir. « Égoïste, obscène », le principe de précaution mis en place « aura été aussi dangereux » car il a fait reculer en France « la cause de la vaccination ».André Fourçans partage largement, mais sur le ton de la « légèreté sérieuse », les critiques de Jean Kervasdoué à l'encontre de mesures de précaution qui ne sauraient être appliquées n'importe comment et à n'importe quel prix. Dans « les Secrets de la prospérité », il s'en prend, lui aussi, aux surenchères qui se nourrissent de toutes les peurs. Pour mieux se cantonner à l'explication de la boîte à outils dont disposent les économistes pour amortir les chocs à venir et préserver, sur le long terme, la qualité de la vie.Écartant tout jugement moral qui « ne relève pas de sa compétence », il reconnaît faire plus confiance « aux bonnes incitations » qu'aux « bons sentiments » pour définir des stratégies utiles. À sa façon, il nous rappelle, comme Jean de Kervasdoué, qu'on ne peut partir que de scénarios et non de prévisions, tant est grande l'incertitude d'évolutions portant sur un à deux siècles. Et il ironise sur le catastrophisme non vérifiable de certains experts. Reste que, à ses yeux, mieux vaut tabler sur les incitations que sur les contraintes pour faire évoluer les mentalités. Ce qui implique de très complexes arbitrages dans l'utilisation des ressources entre l'emploi et la santé, les règles du marché et l'intervention des États, le secteur public et le secteur privé. Entre l'action nationale et une action internationale difficile à mettre en oeuvre.« Optimiste réaliste », l'auteur, qui manie avec bonheur la clarté des concepts et l'humour propre à séduire les jeunes générations, veut croire en l'autorégulation du système et, surtout, dans les progrès de la technologie qui, au fil des siècles, a déjoué bien des « prêts à penser » et des catastrophes annoncées. « Rendez-vous dans cinquante ans pour y voir plus clair ? » « Les Secrets de la prospérité » laisseront sans doute les experts sur leur faim. Mais le but d'André Fourçans n'était pas d'entrer dans le détail de la polémique qui se poursuit entre les économistes sur la façon d'anticiper les bouleversements du changement climatique (voir ci-dessous). Au moins offre-t-il des repères utiles à la compréhension de phénomènes d'une extrême complexité.Car s'il n'existe pas de potion magique, « nos certitudes d'aujourd'hui peuvent être nos erreurs de demain », comme le rappelle Jean de Kervasdoué. Une double leçon de lucidité active... Françoise Crouïgneau
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