Encore un livre sur la crise financière, dira-t-on. Oui, mais celui-ci, outre la clarté de l'explication due aux qualités didactiques de son auteur, Pierre Lemieux, professeur d'économie canadien, tranche avec le courant dominant qui réduit les causes de cette crise à la seule « cupidité des marchés ». Et que résuma Nicolas Sarkozy dans son fameux discours de Toulon de septembre 2008 par la formule : « Le laisser-faire, c'est fini. » Or, Pierre Lemieux, qui se focalise sur le cas des États-Unis, montre combien les interventions croissantes de l'État fédéral ont largement contribué à créer les conditions de la crise, notamment sur le marché hypothécaire. Surtout, il s'interroge sur les raisons qui poussent les citoyens à accepter naturellement la légitimité de l'autorité de l'État pour faire des choix dans des systèmes aussi complexes que la vie sociale et l'économie. « Il est paradoxal que, à une époque censément caractérisée par la liberté et l'individualisme, l'autorité ait acquis ou conservé un caractère quasi sacré à la seule condition qu'elle soit démocratique », ironise Pierre Lemieux. Ce biais est illustré par la fameuse théorie des « esprits animaux », élaborée par George Akerlof et Robert Shiller, qui régirait l'attitude des individus dans le monde de la finance. Or, rétorque Pierre Lemieux, « on voit des esprits animaux partout sauf là où ils sont le plus visibles : dans les processus politiques et bureaucratiques qui gouvernent l'intervention étatique ». Au final, le nombre d'exemples et d'arguments avancés par l'auteur sont suffisamment convaincants pour au moins faire preuve de scepticisme sur l'autorité des États pour résoudre nombre de problèmes. La crise européenne née de la Grèce est d'ailleurs une bonne illustration du propos de Lemieux. Les marchés financiers auront mis un terme au « laisser-faire étatique » en matière de gestion des finances publiques. Robert Jule

latribune.fr

13 Jan 2011, 23:25

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