Répondre au décollage technologique de l'Asie  ?

Les rééquilibrages mais aussi les nouvelles hiérarchies se mettent en place beaucoup plus vite que prévu car la crise mondiale a accéléré un mouvement déjà bien engagé avant elle. Trois indicateurs, tirés de la remarquable étude « Shifting Wealth » publiée récemment par l'OCDE, en témoignent. 1 - En 2007, l'Asie représentait déjà 31 % de la R&D mondiale, légèrement derrière l'Amérique du Nord (36 %) mais devant l'Europe (28 %). 2 - À l'aune de l'indice de « sophistication technologique » des exportations, qui a l'avantage de synthétiser tout un ensemble d'éléments quantitatifs et qualitatifs, la Chine et la Corée du Sud devançaient en 2007 le Japon, une inversion totale par rapport à la configuration de 1995. La crise mondiale depuis 2007 a donné une nouvelle impulsion à de tels retournements, et nous le verrons mieux lorsque les chiffres seront actualisés. 3 - Enfin, la part de la zone OCDE dans la production mondiale devrait chuter de 62 % en 1990 à 43 % en 2030. Tout cela confirme la nécessité qu'il y avait à passer du G7-G8 au G20, et à faire de ce dernier le Forum économique mondial privilégié. Désormais, la Chine n'est guère éloignée de ce que Philippe Aghion appelle la « frontière technologique », fixée par les pays les plus avancés, et elle l'a même atteinte pour plusieurs activités. Après avoir importé les technologies de pointe américaines, japonaises, européennes... la Chine et l'Inde ont considérablement réduit le délai de réplication de ces technologies, se comportant en « fast followers », avant la phase de développement de leurs propres technologies qui a déjà commencé. Même sur nos points forts comme l'aéronautique, le spatial, les équipements de transport ou le nucléaire, notre avance a fondu. En mettant l'accent sur les nouvelles technologies, les innovations de produit (y compris le processus de montée en gamme), l'éducation et l'enseignement supérieur, les grands pays émergents ont suivi avec quelques décennies de décalage la stratégie japonaise. Aujourd'hui, les élèves surpassent sur bien des points le maître... Quelles leçons tirer du constat ? Nous, pays les plus mûrs, nous devons essayer de garder une longueur d'avance technologique là où elle existe encore. Cela implique, pour la France et pour l'Europe, de mettre le paquet sur la R&D, l'innovation dans toutes ses dimensions (y compris dans les modes de distribution), les nouvelles technologies, l'enseignement supérieur et la croissance des PME. Sur ce dernier aspect, est-il nécessaire de rappeler que, en règle générale, une PME doit atteindre une certaine taille pour donner sa mesure en matière de R&D et d'innovation ? Un programme schumpétérien comme celui-là, qui reprend les thèmes de feu l'agenda de Lisbonne en les inscrivant dans une stratégie de croissance verte mais aussi ceux du grand emprunt, est-il compatible avec la nécessaire réduction des déficits et des dettes publiques ? Sans sous-estimer l'étroitesse de la ligne de crête, on peut en faire le pari. Il faut arriver à marcher sur les deux jambes, le recul des déficits publics d'un côté, la mise en oeuvre d'une stratégie active de croissance de l'autre.Mais c'est sous certaines conditions. Dans les budgets publics (États, collectivités locales...), il va falloir faire porter les économies sur les dépenses courantes, ne pas sacrifier voire même augmenter les dépenses d'avenir et tout ce qui les favorise. Un exemple d'actualité : il faut absolument maintenir le crédit d'impôt recherche, ce qui n'empêche pas de recalibrer le dispositif et d'en faire un peu plus profiter les PME. Par ailleurs, puisque l'épargne privée est abondante en France comme en Europe, il convient, via des dispositifs innovants, mais sécurisés, d'en attirer une fraction accrue vers le financement de l'investissement productif, du développement durable et de la croissance des petites entreprises. Une telle stratégie doit relever avant tout de chaque pays membre, même si l'Europe aurait tout intérêt à ajouter sa propre contribution, par une mobilisation renforcée de la BEI et des financements communautaires bien ciblés.
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