Le roi du mini-PC bousculé par Apple

Dans la mythologie grecque, Pégase (Pegasus en latin) symbolise la créativité. Pas étonnant que les dirigeants du constructeur informatique taïwanais Asus se soient inspirés du cheval ailé pour choisir le nom de leur groupe. La créativité, l'innovation sont les maîtres mots d'Asus, répète à l'envi son président, Jonney Shih. D'ailleurs, au centre de design de la société, à Taipei, tout est fait « pour que nous nous sentions comme à la maison, pour que nous gardions l'esprit ouvert », sourit l'un des jeunes designers, en montrant les tables de ping-pong et le bar. Connue principalement des « geeks », c'est-à-dire des accrocs de l'informatique, il y a encore deux ans, la société s'est depuis forgée une jolie réputation auprès du grand public.Créée en 1980 comme spécialiste dans les cartes mères, ces circuits imprimés au coeur des ordinateurs, Asus a réalisé un coup de maître en 2007, en inventant, avec son Eee PC, le netbook, un mini-ordinateur portable à prix abordable (299 euros). « Nous sommes partis du constat que les consommateurs n'avaient pas forcément besoin de toutes les fonctionnalités intégrées dans les ordinateurs portables », explique Cecilia Huang Fu, directrice marketing d'Asus. « Nous avons beaucoup discuté. Serait-ce un ordinateur pour enfants?? Un PC pour personnes âgées?? » complète Mitch Yang, responsable du design. En réalité, l'Asus Eee PC en particulier - et les netbooks en général - est un ordinateur pour les 7 à 77 ans, très simple à utiliser, parfait pour surfer sur Internet, envoyer des e-mails, regarder des vidéos, faire un peu de traitement de texte. Asus a ni plus ni moins créé un nouveau segment de marché, qui a d'autant mieux fonctionné que l'économie mondiale entrait en récession, décourageant les consommateurs d'investir dans du matériel informatique onéreux. Le succès des netbooks est tel que ce sont eux qui tirent les ventes de PC, depuis deux ans. En 2007, année de naissance de l'Asus Eee PC, le chiffre d'affaires du groupe a bondi de 37 %, à 7 milliards de dollars, et s'est encore envolé de 17,5 % en 2008.En 2009, en revanche, Asus n'a pas échappé à la récession économique. Son chiffre d'affaires a décliné de 6,7 %, à 7,7 milliards de dollars, ce qui n'a toutefois pas empêché le groupe de se hisser - avec une part de marché de 5,5 % - au rang de cinquième constructeur mondial de PC, derrière le chinois Lenovo, le taïwanais Acer et les géants américains HP (Hewlett-Packard) et Dell, selon le cabinet Gartner. Mais les revenus du premier trimestre 2010 ont à nouveau accusé une baisse de 6 % par rapport au quatrième trimestre 2009. Il faut dire que les concurrents d'Asus ne sont pas restés les bras croisés. Eux aussi se sont engouffrés sur le créneau porteur des petits ordinateurs ultraplats et ultralégers. À tel point qu'Acer est désormais le premier fabricant mondial de netbooks, devant Asus. Aussi, les marchés financiers ont-ils changé d'humeur à l'égard de ce dernier?: certes, le cours de l'action Asus a été multiplié par onze depuis son introduction en Bourse, en 1996, mais cette performance masque un plongeon de 16,5 % depuis le 1er janvier 2010, une chute plus de deux fois supérieure à celle de la Bourse de Taïwan (? 7,3 %). La baisse de l'euro n'est pas étrangère au recul de l'activité, Asus réalisant 41 % de son chiffre d'affaires en Europe.Aujourd'hui, avec un marché des netbooks qui commence à s'essouffler alors qu'il représente près de 40 % de ses ventes, Asus va devoir relever le défi de la concurrence des tablettes tactiles comme l'iPad d'Apple, lancé le 3 avril dernier. Surf sur Internet, consultation des e-mails, jeux vidéo... Les tablettes possèdent des fonctionnalités similaires à celles des netbooks, et présentent l'avantage d'être bien moins encombrantes grâce à l'absence de clavier. Pour l'heure, leur prix de vente est plus élevé que celui des netbooks - la version basique de l'iPad est commercialisée à 499 euros - mais cela devrait changer avec l'exacerbation de la concurrence. Selon Forrester Research, le marché des tablettes tactiles devrait ainsi grimper de 42 % par an à l'échelle mondiale au cours des cinq prochaines années. En 2012, il devrait se vendre davantage de tablettes que de netbooks, prédit Forrester. De son côté, la part de marché des netbooks devrait stagner, à 12 % des ventes mondiales de PC en 2010.Face à la nouvelle donne, Asus s'invite à son tour sur le marché des tablettes, en lançant son propre modèle, l'Eee Pad, le 31 mai. « Nous nourrissons de grandes ambitions sur le marché des tablettes », assure Eric Chen, directeur des ventes et du marketing d'Asus. Le constructeur aura toutefois fort à faire avec la concurrence de Dell, de Microsoft et d'Acer, pour ne citer que les fabricants informatiques les plus connus. « L'Eee Pad est un très bon produit mais son contenu est trop limité, surtout par rapport aux nombreuses applications développées pour l'iPad d'Apple », nuance de son côté Robert Cheng, analyste chez Credit Suisse.Son entrée sur le marché des tablettes n'empêche pas Asus de continuer à miser sur les netbooks. « Nous sommes en train de songer à la prochaine génération de l'Eee PC », indique Jonney Shih, président d'Asus. Il n'en dira pas plus mais on peut penser à des netbooks de plus grande puissance, la faiblesse de celle-ci étant le principal reproche adressé à ces petits ordinateurs. Et puis, à l'heure où le design devient l'un des principaux critères d'achat d'un PC portable, Asus ne manque pas d'imagination, avec ses netbooks en aluminium brossé, en cuir ou en bambou. « Le netbook Eee PC ne disparaîtra pas », renchérit Eric Chen, qui invoque, lui, le potentiel des mini-PC portables dans des pays émergents comme le Brésil, le Mexique, l'Inde et l'Indonésie. Autre relais de croissance pour Asus?: le segment des entreprises, plus lucratif que celui du grand public. « Nous sommes très peu présents dans le domaine professionnel », reconnaît Eric Chen. Une lacune qu'Asus entend bien combler au cours des prochaines années. « Dès juillet, nous commercialiserons trois à quatre modèles d'ordinateurs pour la clientèle des entreprises, notamment pour les professions libérales », indique Eric Chen. Il compte ainsi faire d'Asus le quatrième fabricant mondial de PC en 2010, et hisser le groupe au troisième rang mondial deux ans plus tard. Christine Lejoux
Commentaire 0

Votre email ne sera pas affiché publiquement.
Tous les champs sont obligatoires.

Il n'y a actuellement aucun commentaire concernant cet article.
Soyez le premier à donner votre avis !

-

Merci pour votre commentaire. Il sera visible prochainement sous réserve de validation.