« Pour le moment, la production du secteur reste surtout tournée vers le marché intérieur »

STRONG>Benoit RossignolConseiller du commerce extérieur pour la FranceAprès le textile et l'électronique, la Chine peut-elle devenir une grande puissance agroalimentaire ?Dans certains secteurs, très clairement. Elle est déjà le premier producteur de porc ou d'alimentation animale. Pour le moment, sa production est essentiellement tournée vers le marché intérieur mais les exportations se développent rapidement. La moitié des légumes consommés au Japon viennent par exemple de Chine. Le gouvernement aide dans ce sens en exonérant d'impôts toute la transformation primaire de produits agroalimentaires, voire en remboursant sa TVA à l'exportation. Toutes ces subventions déguisées entraînent beaucoup de tensions commerciales avec les États-Unis, qui se voient par exemple imposer des droits de douane de plus de 100 % sur leurs exportations de volaille vers la Chine. Comment faire pour pallier les problèmes de sécurité alimentaire ?Les problèmes sont ceux classiques des pays en voie de développement. Il y a notamment un besoin d'évolution fort sur la formation aux différents métiers de l'alimentaire. Quand je travaillais pour la banque mondiale il y a dix ans, la profession de vétérinaire n'était par exemple pas du tout considérée, alors que cela évolue beaucoup aujourd'hui. Il y a eu du coup quelques crises sanitaires. Mais les Chinois n'ont pas inventé la mélamine. Elle existait déjà dans le lait américain il y a 40 ans, car elle permet de créer de la protéine bon marché. Ici, cela a fait tomber des têtes parce que des entreprises d'État étaient impliquées. Surtout, la culture du lait telle qu'on la connaît en France n'existe pas ici, ni chez les éleveurs, ni chez les transformateurs, car les gens ne cherchent souvent que le prix. Le gouvernement fait beaucoup d'effort en créant des autorités de contrôle sanitaire mais vu la taille de la Chine et le nombre de fermes ou d'usines à visiter, nous sommes loin d'être à la hauteur de l'Occident.Le pays a-t-il déjà des fleurons industriels de l'agroalimentaire ?Bien sûr, le plus gros d'entre eux étant sans doute Shine Way. Ce spécialiste de la transformation du porc a fait du petit village de Luohe dans le Henan le centre d'un énorme groupe coté à la Bourse de Hong Kong. Il y a aussi Huiyan Juice dans le jus de fruits, que Coca-cola a voulu racheter, ou encore Changyu dans le vin, partenaire de Castel en Chine. Il y a aussi beaucoup de petits équivalents de Bonduelle ou Lactalis, des groupes familiaux qui sont en train d'émerger et avec lesquels j'ai de plus en plus de contacts. Vous avez aidé Danone et Coca-Cola pour leur installation et leurs acquisitions en Chine ?Oui et, malheureusement, pas toujours avec succès. Les fusions-acquisitions sont de plus en plus difficiles ici car le gouvernement ne réfléchit pas seulement en termes de business mais fait entrer une grande part d'émotionnel dans les transactions. Coca-Cola était par exemple un symbole trop fort d'impérialisme américain. En plus de l'intervention étatique, les difficultés sont liées à la culture et à la complexité juridique. Les Chinois n'aiment pas vendre et préfèrent transmettre à leurs enfants. Une forme de retour aux traditions pré-communistes comme en Russie. Propos recueillis par S. L.
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