L'ambiance n'est pas encore à la fête. New York a subi de plein fouet la crise du luxe. En décembre 2008, les soldes monstres (? 70 %, ? 90 %) appliqués dans les grands magasins aux plus grands noms de la mode ont sonné comme un coup de tonnerre. Les consommateurs ont perdu confiance. Que représente le luxe dès lors qu'on peut ainsi le brader ? Un an après, certaines marques américaines n'ont pas eu les reins assez solides pour résister. La jeune griffe Phi, qui pourtant figurait parmi les plus prometteuses de la jeune génération de créateurs américains, a déposé le bilan. D'autres ont restructuré leur offre, modifié leur organigramme. Chez Diane Von Furstenberg, Nathan Jenden, qui depuis neuf ans accompagnait la réussite artistique de la griffe, présente son dernier show cette semaine ; le 1er avril, c'est Yvan Mispelaere, un jeune Français né à Caen, qui lui succédera. Dans les grands magasins, le climat est morose, les consommateurs n'ont pas encore repris le chemin des caisses. Bergdorf Goodman compte sur son tout nouveau rayon mode enfants pour attirer à nouveau la clientèle. Mais pour l'heure, cette dernière préfère flâner à l'Apple Store géant de 5Th Avenue (ouvert 24 heures sur 24). Tout n'est pas noir. « Comme toujours, les États-Unis ont une capacité à repartir très vite », souligne Andréa Perrone, le PDG de Brioni. Ici, le phoenix renaît toujours de ses cendres. Plus fort que par le passé. « Ces derniers mois, les clients n'hésitaient pas à revenir dans les boutiques pour faire reprendre leurs costumes, explique Kris Mackay de Polo Ralph Lauren. Nous avons renforcé le service. Si on prend de haut un client lorsqu'il est en mauvaise posture, on le perd à jamais. En revanche, savoir l'accompagner dans les coups durs, c'est bâtir avec lui une relation fidèle. Il faut savoir retoucher, pour mieux vendre demain. » L'annonce du retour des bonus records a redonné le sourire aux vendeurs. Mais modérément. Les traders et autres consommateurs qui ont fait le succès des griffes de luxe depuis vingt ans modifient leurs habitudes de consommation. Fini le temps où chacun déboulait en trombe au volant de son Aston Martin pour mieux s'offrir quelques toys... aujourd'hui, ils privilégient le remboursement de leurs emprunts immobiliers. Le look de rigueur est inscrit dans les chartes de bonne conduite des entreprises de Wall Street, telle Goldman Sachs : on joue « low profile ». Sur Nolita, la boutique Polo Ralph Lauren, qui fait revivre des modèles rustiques et classiques inspirés de pièces vintage, fait un tabac. À Soho, le magasin Rugby ne désemplit pas. Ici, rien n'est tape-à-l'oeil. C'est l'anti-­ostentatoire. Du « classic with a twist », tout ce qui séduit aujourd'hui. Les Américains et les touristes affluent : 45 millions ont visité la Big Apple en 2009. « New York est redevenu une destination majeure, explique Michel-Yves Labbé de Directour. Grâce au développement de lignes comme Open Skyes, et la faiblesse de dollars, qui nous permet de proposer des séjours à moins de 1.000 euros pour 5 jours, 3 nuits, dans des hôtels 5 étoiles, les Français se précipitent pour faire leur shopping. » Après Mauboussin qui s'est installé au 714 Madison Avenue, c'est Hermès qui a inauguré le 9 février dernier sa première boutique entièrement masculine à l'angle de la 62e Rue. Hermès Man déploie sur quatre étages tous les produits chers à la marque, en particulier les commandes spéciales et le sur-mesure. Parmi les griffes américaines, outre Ralph Lauren qui a reçu le premier prix plébiscité par le public le 16 juin dernier lors de la cérémonie du CFDA(*), la mode masculine de Calvin Klein dessinée par Italo Zucchelli fait toujours un sans-faute. Dans la toute jeune génération, les soeurs Kate et Laura Mulleavy pour Rodarte emportent tous les suffrages. Après le prix de CFDA de meilleurs designers féminins de l'année 2009, elles viennent de signer une collection capsule pour le géant de la distribution américaine Target et présentent leur première installation « Quicktake Rodarte » au Cooper Hewitt National Design Museum jusqu'au 14 mars prochain. n(*) Council of Fashion Designers of America.

latribune.fr

15 Févr 2010, 23:51

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