« Minetti », au plaisir du théâtre

théâtreCertains ont trébuché, comme Michel Piccoli, l'an dernier. D'autres en ont fait un mystère comme Michel Bouquet. Le personnage de Minetti ? croqué par le dramaturge autrichien Thomas Bernhard dans une pièce au titre éponyme actuellement donnée à l'Athénée-Louis-Jouvet et mise en scène par Gerold Schumann ? se cogne au théâtre, se fait des bleus à l'âme. Charrie la douleur d'être un génie. Car Minetti, qui a réellement existé, était comédien.Célèbre dès la fin de la Seconde Guerre mondiale, il a fait l'admiration de l'auteur pour qui il était le plus grand, avec un pouvoir d'envoûtement incroyable. Et joua en Allemagne tous les plus grands rôles, dont cette pièce de Bernhard, écrite pour lui.hallucinantLe dramaturge ne brosse pas, ici, un portrait comme on l'entend habituellement. Flagorneur ou déifiant. Au contraire. À travers l'histoire de ce comédien venu jouer le Roi Lear à Ostende, à la demande d'un directeur de théâtre, Thomas Bernhard décrit la grandeur et la petitesse, l'amour et la rage, le ressentiment et la peur qu'éprouve un acteur alors qu'il n'a plus joué depuis trente ans. Pourquoi ? Parce qu'il a été chassé de son théâtre pour avoir refusé d'interpréter les classiques. À l'exception du Roi Lear. Et comme son personnage il va errer dans sa vie à jamais perdue dans son désir de jouer. Avec, dans sa valise, un masque que lui a dessiné le peintre James Ensor pour son rôle. Mais tout cela est-il vrai ? N'est-ce pas une affabulation ? Un mensonge ? Thomas Bernhard nous laisse à nos propres illusions.« Minetti », c'est d'abord un immense monologue. Un soliloque. Et pour cela il faut un comédien à la hauteur du défi. Serge Merlin est à ce point hallucinant. D'autant qu'il a joué il y a une vingtaine d'années Lear dans une mise en scène inoubliable de Mathias Langhoff. À travers sa voix, ses gestes, ses silences, passe toute l'histoire du comédien de théâtre. Il fait entendre des fantômes, Le Vigan, Jouvet, Vilar, Vitez. Il montre les fêlures, les fragilités qui naissent de ses engagements sur scène. De son abandon de lui-même, pour être cet autre dont il a pris la peau, la sueur, les tremblements. Il est là devant nous comme une offrande au plaisir du théâtre. n Au théâtre de l'Athénée-Louis-Jouvet, jusqu'au 24 octobre. Tél. : 01.53.05.19.19.
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