L'accord sur l'emploi devrait satisfaire (pour un temps) les agences de notation

Aux yeux de Michel Sapin, c'est un accord qui va "véritablement modifier le regard qu'on portera sur la France". Mardi, le ministre du Travail s'est une nouvelle fois félicité de l'accord sur la "flexisécurité" à la française conclu vendredi par les partenaires sociaux. Les propos de ce pilier du gouvernement Ayrault visaient certainement Bruxelles, toujours attentive à l'évolution de la crise de la deuxième puissance économique de la zone euro. Mais s'il ne le dira jamais, le ministre a sans doute eu une pensée pour les agences de notation.De fait, les Moody's, Standard & Poor's et Fitch Ratings ont suivi de près ces négociations sur l'emploi que la plupart des observateurs voyaient capoter. Or, cette réforme du marché du travail leur apparaissait cruciale. Toutes ont récemment fustigé sa rigidité alors que le chômage campe toujours au-delà des 10%. Lorsque Moody's a retiré son triple "A" à la France à la mi-novembre, ses analystes ont notamment tiré à boulets rouges sur "les rigidités anciennes du marché du travail". Pour le leader mondial de la notation, ce type de "défi structurel" vient ainsi plomber une croissance au point mort (0,1% en 2012 selon l'Insee).Quand Fitch salue la "détermination" du gouvernementMême son de cloche chez S&P. L'agence, qui a confirmé fin novembre son "AA+" pour l'Hexagone (assorti d'une perspective négative), a fait feu comme sa concurrente sur "les rigidités structurelles du marché du travail", tout en appelant à le réformer. Il en va de même chez Fitch, la dernière grande agence à estampiller la France d'un "AAA". Mi-novembre, elle jugeait ainsi que les négociations pour l'emploi constituaient pour le gouvernement "une nouvelle occasion importante de prouver sa détermination à mener des réformes structurelles".Signe que les agences sont toujours suivies par l'exécutif, la "détermination" du gouvernement saluée par Fitch n'est pas passée inaperçue à Bercy. Et surtout pas pour Pierre Moscovici. Même si le ministre de l'Economie s'est bien gardé de laisser entendre que l'Etat pourrait calquer ses réformes sur les avis des agences, il a immédiatement salué un "encouragement" vis-à-vis de la politique du gouvernement. Pourquoi? "Parce que cette agence dit bien que la France va dans la bonne direction, que nous sommes en train de faire les réformes structurelles", a-t-il lâché.Le dialogue, moteur des réformes à venirIl est vrai que Fitch, détenue par Marc Ladreit de Lacharrière à hauteur de 60% par sa holding Fimalac, est bien plus coulante que ses concurrentes américaines dans sa perception de la France. Rappelons que l'épouse du financier n'est autre que Véronique Morali. Outre le fait qu'elle est vice-présidente de Fimalac et administrateur de Fitch, celle-ci a une casquette moins connue : celle de présidente de la commission "dialogue économique" du Medef. Selon le site de l'organisation patronale, cette branche est notamment en charge "de construire un lien entre les entreprises et les autres acteurs de la société civile", dont les syndicats. Même si elle n'a pas participé - directement du moins - aux négociations sur l'emploi, cette forte proximité entre une partisane du "dialogue social" du Medef et les bons points accordés à la chose par Fitch interpelle forcément. Interrogé à ce sujet, Enam Ahmed, analyste qui suit la France pour l'agence, nous assure toutefois que "la notation des Etats se fait en toute indépendance"...D'après lui, l'accord sur l'emploi constitue "un premier signe positif, même si beaucoup reste à faire, notamment vis-à-vis du travail temporaire et de l'emploi des jeunes". "Ces mesures donnent plus de flexibilité aux entreprises, ce qui est une bonne chose", estime-t-il. En outre, "cela montre que le dialogue social donne des résultat". De fait, après maints déboires - et notamment le retoquage de la taxe à 75% -, l'accord sur l'emploi constitue une première victoire pour François Hollande. Lui qui avait érigé le dialogue social en moteur des réformes pendant la présidentielle.Les taux à dix ans demeurent très basPour les agences, il s'agit donc d'un signal important, dans la mesure où la France va bientôt s'attaquer à deux grands chantiers sociaux : le financement de la sécurité sociale et la réforme des retraites. Or même si les "trois grandes" ont vu leur crédibilité largement affectée depuis la crise des subprimes - où ces acteurs-clé de la chaîne de titrisation avaient décerné leur "AAA" à des produits pourris -, elles demeurent pourtant très suivies par les investisseurs. Même si pour le moment, Paris s'endette toujours à très bon compte. Les taux français à 10 ans flirtent avec les 2,10%. Et sur ce front, la perte du triple "A" chez Moody's n'a rien changé.
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