Renault, une marque bas de gamme qui se marginalise en Europe ?

trong>Renault va-t-il devenir la marque à bas prix de l\'Alliance Renault-Nissan ? Une telle question apparaît évidemment provocatrice. Pourtant, ce scénario noir n\'apparaît pas si fantaisiste que cela... Prisonnier du succès inespéré de la Logan de bas de gamme et de ses sœurs, qui génèrent désormais plus du tiers des ventes du groupe, l\'ex-Régie se spécialise progressivement et - semble-t-il inexorablement - dans les modèles les moins chers, lesquels constituent le fer de lance de son internationalisation. La preuve : l\'an dernier, le groupe a lancé pas moins de quatre nouveaux modèles Dacia, sa marque roumaine à bas coûts, à savoir le monospace Lodgy, la fourgonnette et sa version « ludospace » Dokker, les Logan II et Sandero II. Et ce, alors qu\'il n\'a commercialisé qu\'une nouveauté sous la marque Renault, la Clio IV. Cette gamme « Entry » est d\'ailleurs vendue sous le logo Renault lui-même sur les marchés mondiaux sauf en Europe et en Afrique du nord. C\'est environ un million de véhicules, qui ont été produits l\'an passé en Roumanie, au Maroc, au Brésil, en Russie...Chute en EuropeLa firme tricolore, qui vient d\'annoncer 7.500 suppressions de postes en France d\'ici à 2016, voit ses ventes en Europe s\'effondrer. Fâcheux, alors que c\'est quasi-uniquement sur le Vieux continent qu\'elle vend les modèles de sa gamme traditionnelle! Le groupe au losange a même affiché l\'an dernier le plongeon le plus catastrophique de tous les grands constructeurs, avec des immatriculations de voitures en recul de 19% dans l\'Union européenne à un million d\'unités à peine, voire de 22,5% pour la marque Renault elle-même (sans Dacia). La part de marché du groupe atteint 8,5% à peine dans l\'Union, voire 6,6% sans le label roumain... contre 10,7% pour Renault seul il y a dix ans. La crise des marchés français et espagnol, où Renault est traditionnellement bien implanté, n\'explique pas à elle seule cette chute. La preuve : en France, les immatriculations de Renault reculent de 22,1% (avec Dacia). Soit une chute bien supérieure à celle du marché total (-13,9%, hors utilitaires). Et encore les mauvais scores du groupe au losange sont-ils malgré tout amortis par Dacia, la marque à bas coûts du groupe au losange. Sans Dacia, le label Renault lui-même affiche une dégringolade de 24,7% dans l\'Hexagone. Il y a là un risque de marginalisation progressive en Europe.Gamme \"Entry\", fer de lance à l\'internationalEn revanche, Renault doit publier ce vendredi 18 janvier des résultats commerciaux hors d\'Europe fort honorables ! L\' « intercontinentalisation » est en marche. Tant mieux. Oui, mais voilà : les ventes hors d\'Europe du groupe sont générées presque exclusivement... par la gamme « Entry » ! La tendance est aujourd\'hui claire : le centre de gravité de Renault se déplace vers les Sandero, Logan ou autres Duster. Logique : Renault gagne de l\'argent sur sa gamme «Entry», malgré des prix de vente plancher (à partir de 7.700 euros pour une Logan II en France). Les modèles de cette gamme avaient un objectif initial de marge opérationnelle de 6%. Or, la marge est aujourd\'hui largement supérieure à ces 6%. La gamme « Entry » est d\'ailleurs la plus rentable de l\'entreprise. Les petits véhicules européens (Twingo, Clio), perdent, eux, de l\'argent, sans parler des familiales de gamme moyenne de type Laguna.Recettes miracleLes recettes concoctées par Renault pour ses modèles « Entry » sont connues. Première condition : reprendre la même plate-forme. Les nouvelles Logan II et Sandero II «partagent 50% des composants en valeur avec leurs prédécesseurs», souligne Arnaud Deboeuf, directeur du programme « Entry ». Du coup, la nouvelle Logan II aura « coûté 30% moins cher en développement que la première». N\'oublions pas que c\'est pas moins de 3,5 millions de Logan et Sandero qui ont été assemblées à ce jour au total. Economies d\'échelle assurées. En deuxième lieu, les composants sont réutilisés. « 70% des pièces sont communes entre les Logen II et le Lodgy », poursuit Arnaud Deboeuf. Troisième ingrédient : les véhicules de la gamme «Entry» sont simples. « Une Sandero II comporte 1.800 pièces, contre 2.300 dans une Clio ». Enfin, ces véhicules ne sont produits que dans des pays à main d\'œuvre bon marché. Entre le site de production roumain de Pitesti et une usine française, le rapport est d\'un à quatre pour le salaire d\'un opérateur de base, affirme-t-on chez Renault.Plus de haut de gammeDans ce contexte, Renault ne risque-t-il pas, in fine, d\'être victime de cette grande réussite des véhicules de bas de gamme ? A trop miser et investir sur cette gamme « Entry », destinée d\'abord à l\'international, le groupe au losange devient progressivement le spécialiste mondial des modèles d\'entrée de gamme, au détriment des autres véhicules. Avec le risque de se marginaliser en Europe, où les modèles à bas coûts occupent des positions relativement faibles. Et, quoi qu\'en dise officiellement le constructeur, cette entrée de gamme ne tire évidemment pas l\'image du constructeur vers le haut. Au contraire. Illustration de la descente progressive en gamme de la firme : la grande familiale R25 (1983-1992) s\'était vendue à 135.000 unités dans sa meilleure année (1985), sa remplaçante, la Safrane (1990-1999) à 65 000 (1993), la Vel Satis (2001-2009) à... 20 700 (2002) seulement. Quant à la banale Latitude actuelle, ses ventes en Europe restent anecdotiques. Evidemment, le segment de marché a baissé, mais cela n\'explique pas tout. Il y a quinze ans, le haut de gamme Renault était constitué de la Safrane et du monospace Espace. Aujourd\'hui, en étant caricatural, on dira que la gamme Renault culmine avec le monospace compact Scénic, tant les ventes de Laguna de gamme moyenne n\'en finissent pas de plonger.Chute de production en FranceLa descente progressive en gamme de Renault et le plongeon corollaire de ses ventes européennes ont pour triste corollaire la dégringolade de la production en France, centrée sur le monospace compact Scénic ou la berline moyenne supérieure Laguna. Même la nouvelle petite Clio IV n\'est fabriquées qu\'à 40% à Flins (et 60% en Turquie). Le tout dernier (faux) 4x4 Captur sera, lui, assemblé en Espagne. Résultat : alors que les groupes allemands maintiennent leur base de production allemande, les constructeurs français réduisent progressivement la voilure. La production en France de Renault (voitures et utilitaires légers) a ainsi fléchi de 23,6% à moins de 100.000 unités au troisième trimestre 2012, après -20% au deuxième trimestre et et 12,6% au premier. Carrément. La part de la France dans la production totale de Renault atteint un point bas historique: elle ne représente plus que 17,5% des volumes globaux! Au total, la production de Renault ura dégringolé de 18,2% sur neuf mois dans l\'Hexagone. D\'ailleurs, les usines ont toutes diminué petit à petit leur taille et leurs effectifs. Entre 2005 et 2012, Renault a en tous cas réduit sa production de voitures dans l\'Hexagone par plus de deux. Angoissant.Image médiocreDans le même temps, Nissan, le constructeur japonais contrôlé par Renault (à hauteur de 44%), poursuit son assaut et grimpe en gamme, avec notamment des grandes berlines, des 4x4 et une marque « Premium » raffinée Infiniti. L\'orientation de Renault, qui se charge en outre de contrôler les activités du russe Avtovaz (Lada) à l\'image on ne peut plus médiocre; semble malheureusement limpide, même si Carlos Tavares, le directeur général délégué aux opérations, veut renverser la tendance. Les Renault sont globalement fiables, mais elles manquent d\'attractivité et ne font pas rêver. Dès lors, sur des critères rationnels comme le rapport prix-prestations, pourquoi acheter une Clio IV, tandis que, dans le même hall d\'exposition, une Dacia Sandero, certes moins agréable à conduire mais dotée des mêmes moteurs et de dimensions équivalentes, est proposée avec un différentiel de prix de plusieurs milliers d\'euros (5.000 au bas mot)? Hors d\'Europe, avec son image de voiture populaire, Renault a également beaucoup de mal à séduire des clients plus huppés, quand la plupart des véhicules portant le losange sont de simples Logan ou Sandero, certes fonctionnelles et compétitives, mais dont le pouvoir de séduction reste tout de même ténu et qui font incontestablement bas de gamme.
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