« Dans vingt ans, Yves Rocher sera toujours une entreprise familiale »

Yves Rocher fête ces jours-ci ses 50 ans. Mais si on se projette en 2020, à quoi ressemblera alors le groupe ?Comment je voudrais qu'il soit ? Plus international qu'il ne l'est aujourd'hui. Nous réalisons 65 % de nos ventes en dehors de France, et pour une grande partie dans la zone euro. Il nous faut accélérer notre développement au-delà. Nous sommes un exportateur, nous devons devenir un groupe d'envergure internationale. Il nous faut donc produire à proximité de nos réseaux de distribution.En créant de nouvelles usines ?Plutôt en faisant appel à la sous-traitance. Cette stratégie exige un plan de transformation. Ce sera un sacré boulot. Il prendra entre cinq et dix ans. Il nous faudra aussi continuer à rénover nos marques. Yves Rocher a adopté un plan de transformation en 2007. Il commence à être opérant. Nous avons lancé de nouveaux produits, adopté un nouveau concept. L'ensemble des magasins seront rénovés sous quatre ans. Cela exige 200 millions d'euros d'investissement pour les 1.700 magasins à travers le monde.Quels sont les pays prioritaires ?Les trois premiers marchés mondiaux sont les États-Unis, le Japon et le Brésil. Nous devons les étudier. Et notamment le Brésil où il existe un vrai potentiel. Nous n'avons que 100 points de vente en Chine. C'est trop peu significatif. À l'inverse, nous avons de l'avance en Russie où nous sommes entrés très tôt, dès 1991. Yves Rocher y dispose de 200 magasins. Et ce pays est notre troisième marché, derrière la France et l'Allemagne. Stanhome sera lancée en Asie, en commençant par les Philippines en 2011. Car la vente directe aux particuliers est très bien profilée pour les pays émergents où l'appareil de distribution n'est pas encore au point.Allez-vous mener des acquisitions ?Le groupe pourrait se le permettre, puisqu'il est totalement désendetté aujourd'hui. Mais la croissance externe n'est pas une priorité.À l'international, serez-vous un fabricant ou un distributeur ?Toute la transformation de la marque Yves Rocher a été de développer son image de fabricant et de récoltant. Notre activité de distributeur est la plus visible aux yeux des consommateurs, grâce à notre réseau de magasins. Il nous faut dès lors mettre en avant notre rôle de fabricant. Car nous sommes ?made in France?, et même ?made in Bretagne? ! Nous avons cherché cet équilibre plus balancé entre les deux versants de la marque. Il faut aussi qu'elle demeure accessible. Or, notre modèle exportateur nous amène à la positionner haut de gamme. D'où la recherche de production locale. En Russie, nous produisons trois millions de produits. Au Brésil, nous avons déjà deux usines pour Yves Rocher et Stanhome.Pourquoi conserver Petit Bateau au sein de votre portefeuille ?L'histoire va continuer. Petit Bateau est une belle marque. Et le groupe Yves Rocher est un développeur de marques. Chacune a sa place en son sein, pour peu qu'elles répondent aux critères de ?love brand? [marque affective, Ndlr]. Mais le fait d'avoir deux marques, Stanhome et Petit Bateau, qui ne font pas partie du monde des cosmétiques, nous permet de lisser les risques par rapport à la conjoncture. L'enjeu en vaut la chandelle. Cela nous a permis de traverser les crises comme celle que nous venons d'affronter. Notre chiffre d'affaires est en légère décroissance en 2009, de l'ordre de 2 %. Or, Stanhome a progressé de 12 % à taux de change constants (250 millions d'euros en 2009).La crise a-t-elle été favorable à Yves Rocher, enseigne connue pour ses petits prix ?Oui, on a fait une bonne année. En France, Yves Rocher est en légère progression. Le premier semestre a été compliqué, le second s'est très bien déroulé. Les magasins Yves Rocher transformés au nouveau concept présentent une progression d'activité de 14 % sur un an. C'est superbe, compte tenu de la conjoncture !La crise vous a-t-elle présenté des opportunités immobilières ?Je le croyais, mais finalement non. La France a été épargnée par la crise. Jusqu'en avril, le groupe avait stoppé son expansion, dans l'attente de notre nouveau concept. Depuis, nous l'avons déployé.La famille Rocher détient 77 % du capital. Le reste appartient à Sanofi-Aventis. Pourriez-vous racheter ses actions ?On le pourrait. Mais détenir 77 % du capital équivaut à en détenir 100 %. Et il n'est jamais inutile d'avoir des membres de Sanofi-Aventis à son conseil d'administration. Et personne ne serait prêt à prendre ses participations, à part nous. Or, j'ai 31 ans. J'ai donc un peu plus de temps devant moi que pas mal de monde !Quelles sont vos prévisions pour 2010 ?Je ne me suis pas fixé d'objectif chiffré. Pour le moment, depuis janvier, nous sommes sur une croissance de 3 % à 4 %. Mais que notre chiffre d'affaires soit de 3,5 milliards d'euros ou de 10 milliards, peu importe, du moment que cela nous rend plus heureux ! Nous n'avons pas grand-chose à prouver. Notre objectif est de bâtir sur des fondations solides. Et je ne suis pas sûr que la course sans fin à la croissance le permette.Dans vingt ans, est-ce que le groupe sera toujours indépendant ?Oui, il le sera. Tout est organisé pour qu'il le soit. Dans vingt ans, Yves Rocher sera toujours une entreprise familiale. C'était le rêve de mon grand-père et de mon père. Par ma filiation, j'en fais un point d'honneur. Et c'est plus sain pour le groupe. Car, les entreprises familiales ont démontré combien elles étaient plus pérennes que les autres. La nécessité les oblige à la rigueur. Et la rigueur, c'est sain.
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