Le centre d'appels Orange à Annecy englué dans ses démons

Jeudi 11 février, 16 h 57, centre d'appels Orange d'Annecy-le-Vieux. Une salariée sort d'un bâtiment sans âme et s'engouffre dans sa voiture. Dans le parc d'activités économiques des Glaisins, tout est immobile, parfaitement silencieux, le froid glacial. Quelques minutes plus tard, une autre femme sort, puis une troisième... Le pas est toujours pressé, les visages fermés. Chacun n'a qu'une envie : rentrer chez soi et oublier l'entreprise.« France Télécome;lécom, j'en ai jusque-là ! » lance une salariée d'un ton agressif, avec un geste de ras-le-bol. Inutile d'insister. « Les salariés sont proches de l'épuisement », explique Stéphanie Méron, déléguée du personnel CGT. « Il y a une profonde lassitude due à l'accumulation : les multiples réorganisations, les changements successifs de sites et de métiers, le suicide de Jean-Paul, la presse... Le site est comme une cocotte-minute. »la peur au ventreLa situation se serait même détériorée, à en croire Sylviane, salariée depuis trente-trois ans. « C'est encore moins humain qu'avant. Tout le monde a peur, y compris les responsables », observe la salariée, de retour de cinq mois et demie d'arrêt pour cause d'aphonie aiguë due au stress. « Des salariés continuent de craquer, comme une personne arrêtée pour un mois depuis la semaine dernière et sous antidépresseurs », rapporte de son côté Danielle Rochet, déléguée SUD. « Depuis janvier, c'est reparti comme en 14 ! » explique Sylviane. « Il faut faire du chiffre. On dirait que, sinon, le plateau risque de s'écrouler. »Pourtant, des actions locales ont bien été engagées depuis septembre, en plus des mesures nationales portant sur le système d'information, les interfaces informatiques, les temps de pauses ou le gel des mobilités forcées. « Six vendeurs, un soutien commercial et un responsable ressources humaines de proximité ont été recrutés sur le plateau, mais aussi trois personnes pour gérer les litiges commerciaux et une pour les processus commerciaux », rappelle Jean-Luc Bessard, directeur régional Alpes chez France Télécome;lécom.Toutes les personnes arrivées depuis un an vont, par ailleurs, bénéficier d'un bilan de compétences et de formation. Enfin, cinq postes au service des réclamations ont été ouverts aux vendeurs. « Plus de vingt personnes ont postulé, il n'y en aura pas pour tout le monde », note cependant Sylviane. « Quant aux nouveaux vendeurs, ils épongent à peine les arrêts maladie », précise Dianelle Rochet. Quid des locaux tant décriés ? « Un diagnostic acoustique a été réalisé et une étude est en cours », explique Jean-Luc Bessard.petits pansements« Je ne nie pas les efforts de la direction, mais ce sont des pansements, de petites soupapes par-ci par-l࠻, juge Stéphanie Méron qui, à 36 ans, se dit épuisée et attend peu des changements à la tête du groupe. « Nous n'avons toujours pas les moyens de travailler correctement, avec un outil informatique qui ne tient pas la route », confirme Danielle Rochet. « Dans le bruit, les uns à côté des autres, comme dans une batterie de poules... Pour rationaliser encore l'espace, ils n'ont plus qu'à embaucher des nains et à les superposer ! »Muriel Beaudoing, envoyée spéciale à Annecy
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