Reportage : Total persévère en mer du Nord

À 450 kilomètres des côtes écossaises, mais seulement 90 des côtes norvégiennes, la table de « snooker » présente en salle de repos rappelle la souveraineté britannique des eaux territoriales dans lesquelles est ancrée la plate-forme d'Alwyn North, par quelque 150 mètres de fond. Sur l'installation, à deux heures d'hélicoptère d'Aberdeen, la ville pétrolière écossaise, le personnel est pour l'essentiel issu de la région. 230 personnes y travaillent sous la supervision d'Olivier Mouraille, un Français presque quadra, sympathique et enthousiaste, parlant anglais avec un accent invraisemblable et se rappelant avec émotion sa précédente mission au Nigeria. Obsession de la sécuritéSur le grand écran de télévision, captant grâce aux liaisons satellites, le France-Écosse du dernier Tournoi des Six Nations (France 18-Écosse 9) a été suivi avec fébrilité. Mais sans bières, l'alcool étant absolument proscrit sur place. Dans cet univers à part où la sécurité est une obsession de chaque instant, la fouille qui précède la montée dans l'hélicoptère est d'ailleurs également un moyen de tester discrètement l'haleine du voyageur. Prévue pour durer une vingtaine d'années, cette installation, la doyenne de celles implantées par Total en mer du Nord britannique, vient de reprendre pour vingt ans de services supplémentaires. Car « la croissance future se fera certes au Moyen-Orient, en Afrique, mais nous devons optimiser au maximum nos actifs existants », souligne Patrice De Viviès, responsable Europe du Nord de l'exploration-production de Total.Région sûreTotal ne relâche pas ses efforts car cette région mature voit, certes, sa production d'huiles décliner depuis le tournant du siècle, mais elle « est sûre, et sa fiscalité est stable ». La mer du Nord représente près d'un quart de sa production, seulement devancée par l'Afrique, et Total y revendique les plus bas coûts de production de l'industrie, à moins de 20 dollars le baril. Est-ce « de la chance ou de l'intelligence », comme s'interroge diplomatiquement le dirigeant (qui penche à l'évidence pour la deuxième hypothèse), mais la major française se flatte de tailler sur place des croupières à ses concurrents. Total prévoit en effet de passer d'une production de 550.000 barils par jour en 2009 à près de 400.000 en 2020, alors que les principales major anglo-saxonnes devraient toutes passer sous les 200.000 à cet horizon, selon des données du cabinet de recherche Wood Mackenzie, aimablement fournies par le groupe. Pour atteindre cet objectif, l'optimisation des champs existants, cruciale, ne suffira pas. Total va doncinvestir 2,5 milliards de livres dans une zone encore peu travaillée, à l'ouest des îles Shetland, au nord de l'Écosse. Il développera les deux champs gaziers de Laggan et Tormore, avec une production débutant en 2014. Hub et satellitesAlwyn North a connu son premier pic de production en 1992 avec 140.000 barils par jour. Depuis, Total n'a cessé de développer des champs environnants pour rentabiliser ses installations. Des plates-formes dites satellites ont été connectées à ce hub pour exploiter les champs environnants et rapatrier liquides et gaz via son réseau sous-marin de pipelines. Des forages déviés (d'abord verticaux puis obliques, presque horizontaux parfois) ont aussi été multipliés depuis Alwyn, le dernier ayant permis d'aller puiser dans une nappe à environ 5 kilomètres de la plate-forme. Différentes technologies de réinjection de gaz, afin d'accroître la pression du réservoir, ou de pompage dit « multiphase », utilisées pour séparer les productions en surface et économiser l'installation d'infrastructures sous-marines, ont permis de réduire les coûts et d'augmenter le taux de récupération. Résultat : en 2008, la production atteignait encore 160.000 barils par jour, soit un peu plus que quinze ans plus tôt, avant de commencer à décliner. Sur l'ensemble de la mer du Nord, Total estime son taux de récupération des hydrocarbures présents dans les réservoirs à environ 40 %, alors que l'industrie se situe normalement à 30 ou 35 % dans læ monde. Mer d'huileMercredi, sur Alwyn North, le temps est radieux, fait assez rare dans la région. Mer d'huile, si l'on ose dire, soleil éclatant, permettant de distinguer sans mal une dizaine de plates-formes environnantes. Mais les peintures corrodées de cet invraisemblale entrelacs de conduites et de câbles disent assez la rudesse des conditions qui caractérisent cette région, où les vagues peuvent dépasser 20 mètres. Jeudi, Olivier Mouraille, le chef de la plate-forme, aura fini sa mission de deux semaines en mer, et embarquera dans l'hélicoptère-taxi qui l'emmènera retrouver femme et enfant à terre, dont il pourra profiter pendant ses trois semaines de récupération.
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