La télé publique et le tabou de la télé-réalité

Le service public de l'audiovisuel a certes retrouvé ses marques avec la suppression de la publicité après 20 heures. Aux heures de grande écoute, il ne subit plus ainsi la pression du résultat d'audience permanent. Il retrouve la liberté que permet la recherche d'un résultat moyen en équilibrant les prises de risques et les audiences garanties. Cela a permis le retour de la culture sur les écrans du service public à des horaires accessibles à tous. Mais on doit constater que cette émancipation éditoriale n'a pas profité à tous les téléspectateurs. La télévision publique a beaucoup de mal à séduire les nouvelles générations. Or sa vocation est de s'adresser à tous.Pourquoi ? On peut constater qu'il s'est éloigné des univers, des références et des attentes de ces jeunes générations. Ce décrochage étant particulièrement net quand il s'agit de culture. L'absence de la diversité dans l'offre de programmes par exemple est une des manifestations les plus marquantes de ce décrochage. On peut difficilement penser qu'une offre dont les contenus et les formes renvoient à la télévision publique des années 1970 puisse séduire aujourd'hui le public qui grandit avec le nouveau siècle. Et ce décrochage concerne la plupart des genres télévisuels. Notamment la fiction, envahie par les adaptations des oeuvres du patrimoine littéraire. Les spectacles n'ont pas non plus bougé ni dans la forme ni dans leurs références en termes de contenus depuis cette époque.Le défi que le service public de l'audiovisuel doit aujourd'hui relever, c'est celui de la modernité. Cela passe par un effort majeur de créativité, un investissement massif en recherche et développement et une mobilisation générale des nouveaux talents au service du renouvellement des formes et des contenus. Il faut pour cela lever un certain nombre de tabous. Notamment celui de la télé-réalité.Le service public a cru sauver son âme en rejetant toute forme de télé-réalité. Il a même fait de ce rejet l'affirmation de sa différence. Comme si on pouvait se définir durablement par l'exclusion. Or ce choix lui a coûté très cher sur les plans de l'audience et de la créativité télévisuelle. La télé-réalité est multiforme. Elle ne se réduit pas aux déclinaisons de « big brother ». Au contraire elle a su fait preuve de créativité, en particulier sur les écrans publics européens et dans le domaine de la culture.Prenons l'exemple de la BBC. Elle a su développer des formats de télé-réalité adaptés à la fois aux missions de service public et aux goûts actuels du public et notamment des jeunes générations. Ainsi les formats dédiés à la recherche des nouveaux talents. C'est une orientation majeure de la télévision publique en Europe. Pas en France.La question de la diversité est présente aussi dans des formats d'immersion. Avec parfois des concepts particulièrement innovants. Les principes de la télé-réalité sont également sur les chaînes publiques mis au service d'une mobilisation collective pour relever un défi de société qui concerne l'ensemble d'une communauté.Le domaine de la transmission des savoirs ou de l'éducation a aussi fait l'objet de programmes de télévision adoptant les principes de la télé-réalité. Ainsi, des télévisions publiques, reconnues par tous pour la qualité de leurs créations, se sont engagées dans des formats de télé-réalité qu'elles ont inventés. En considérant que la télévision publique devait, pour remplir ses missions, adopter les dispositifs qui plaisent au plus grand nombre et notamment aux jeunes générations.Au contraire, on peut dire que notre télévision publique en France a raté son entrée dans la modernité télévisuelle en rejetant en bloc toute forme de télé-réalité. Le service public de l'audiovisuel en France doit ouvrir maintenant sans retard ni a priori une période de mobilisation créative au service du renouvellement des formes et des contenus en inventant des nouvelles médiations culturelles adaptées à notre époque.Point de vue Philippe Chazal Président du Club Galilée
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