Les risques cachés des règles de Bâle III

Le principal risque de la réforme de Bâle III réside-t-il vraiment dans une restriction du crédit bancaire ? Les banques s'en alarment. Pour la Fédération bancaire française (FBF), « le renforcement des fonds propres auquel conduit la réglementation constitue une contrainte forte qui pèsera sur le financement de l'économie et notamment le volume et le coût du crédit. L'ensemble de l'économie européenne sera confronté à ce problème car son financement est assuré à près de 80 % par les banques ». Les analystes, eux, nuancent l'impact de la réforme du ratio de solvabilité sur les besoins des banques en capitaux. « D'après nos prévisions, la plupart des banques européennes auront un ratio de fonds propres durs [common equity Tier One] supérieur à 7 % en 2012. Les autres l'atteindront sans problème d'ici au 1er janvier 2019 en mettant en réserve leurs résultats », écrivent les analystes de JP Morgan dans une note de recherche. De même, pour eux, les profits générés par les banques devraient suffire à constituer le fameux matelas contracyclique, même si cela pourrait prendre plusieurs années. Compris entre 0 et 2,5 %, celui-ci porterait, au pire, le ratio « core Tier One » à 9,5 %. Quant à la définition plus stricte des fonds propres durs en régime Bâle III, elle abaisserait finalement le niveau de ce ratio clé de 70 points de base, et non plus de 190 points de base comme ils l'envisageaient initialement. Mais tandis que du côté des banques, les nouvelles sont rassurantes, d'autres inquiétudes émergent. Bâle III pourrait en effet encourager certains Etats à continuer à s'endetter. Tout dépendra de la façon dont seront pondérés les risques. obligations souveraines« Le Comité de Bâle précisera la pondération des actifs risqués en décembre », indique Jean-Louis Mullenbach, associé du cabinet Bellot Mullenbach et Associés. En effet, les banques étant tentées de minimiser leurs « actifs pondérés du risque » (le dénominateur du ratio de solvabilité), elles pourraient avoir tendance à favoriser les obligations souveraines au détriment d'autres actifs comme les actions. L'importance de la demande pour les emprunts d'Etat contribuant à maintenir les taux d'intérêt au plancher, rien ne dissuaderait alors les Etats de continuer à s'endetter. « Une des grandes questions est de savoir si la pondération sera différente pour les obligations d'état inscrites dans le trading book [portefeuille de négociation] et celles figurant dans le banking book [détention jusqu'à l'échéance], l'exposition au risque de ces dernières n'ayant pas été retenue dans les stress tests européens », signale Jean-Louis Mullenbach.Autre risque : le transfert des activités les plus risquées des banques vers des entités moins régulées, comme les hedge funds. Pour certains, ce système financier parallèle (« shadow banking system ») est moins porteur d'un risque systémique que les grandes banques. Mais de toute évidence ses liens avec les principaux établissements sont souvent étroits. Reste à savoir comment le président du Conseil de stabilité financière, Mario Draghi, qui veut durcir les règles pour les institutions considérées comme « too big to fail », prendra cela en considération.
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