L'intervention japonaise met l'Europe et les États-Unis en porte à faux

La flexibilité des taux de change, si chère aux banquiers centraux du G7, vient de subir un sérieux coup de canif. L'intervention en solo de la Banque du Japon pour freiner l'envolée du yen a donné des idées à ses voisins d'Asie et aux pays d'Amérique du sud qui n'en demandaient pas tant pour intensifier leur propre politique de change interventionniste. Elle met en outre les États-Unis et l'Europe en porte-à-faux.Coup de katana dans l'eauEt la situation ne pourra que s'aggraver, car le Japon n'en restera pas là. L'opération coup de poing de mercredi, qui d'après les premiers comptages aurait porté sur plus de 20 milliards d'achats de dollars contre yens, soit la plus importante intervention de l'histoire de la Banque du Japon, constitue un incontestable succès. Elle a provoqué une décrue du yen du point haut de 82,88 pour un dollar atteint aux petites heures du 15 septembre, à 85,80. mais cette victoire doit beaucoup à l'effet de surprise et ses effets pourraient, à terme, n'être qu'un coup de katana dans l'eau. Les acheteurs de yens n'ont pas l'intention de lâcher leur valeur refuge au profit du dollar ou de l'euro qui suscitent leur défiance. Car la partie de bras de fer engagée entre la Banque du Japon, par ministère des finances nippon interposé, avec le marché est inégale. Sur un marché des changes où il se négocie quotidiennement 4000 milliards de dollars, dont quelque 700 milliards impliquent le yen, une intervention fut-elle aussi importante que celle de mercredi n'est qu'une goutte d'eau dans l'océan. En situation de déflation et avec des taux zéro, le Japon dispose en théorie d'une force de frappe illimitée puisque les effets supposés des interventions, que sont la hausse de l'offre de monnaie, la pression à la baisse des taux longs et à la hausse de l'inflation, sont exactement les remèdes aux maux du pays. Reste qu'une banque centrale isolée n'a qu'un pouvoir limité. Or, une chose est sûre : la Banque du Japon ne pourra pas compter sur la solidarité de la Fed ou de la BCE. D'autant que jeudi, l'euro, principale victime des dommages collatéraux de l'incursion de la BoJ dans le marché, est monté à son plus haut niveau depuis un mois face au dollar et au yen, se propulsant respectivement au-dessus de 1,31 et de 112. La monnaie unique s'est même hissée à son meilleur niveau depuis la mi-août face au franc suisse. Après l'annonce du statu quo monétaire helvétique de la Banque nationale suisse, le franc est retombé d'un record absolu pulvérisé le 8 septembre à 1,2765 à plus de 1,33. Enfin, l'intervention de Tokyo a mis le secrétaire au Trésor américain dans l'embarras. Les propos de Tim Geithner jeudi, accusant la Chine de « maintenir un taux de change rigide » et d'intervenir massivement pour affaiblir sa monnaie, ont perdu une bonne part de leur pouvoir de conviction. La réunion du G20 risque de se transformer en foire d'empoigne. Isabelle Croizard
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