Réformes des collectivités locales  : Matignon donne-t-il un coup d'arrêt à la décentralisation  ?

François RebsamenOUIElles témoignent d'une grande méfiance à l'égard des élus locaux. »Les réformes de la fiscalité locale et des collectivités se complètent pour porter atteinte à la décentralisation ; or c'est un des fondements de notre République. La suppression de la taxe professionnelle, annoncée sans concertation, a tout d'abord pour effet concret de retirer aux collectivités locales une partie importante de leurs ressources fiscales, notamment pour les communautés de communes, d'agglomérations ou urbaines, et par conséquent de les priver de leur indépendance budgétaire. C'est ainsi que les départements n'auront plus que 12 % d'autonomie fiscale, les régions 29 % et les communes 56 %. Et l'annonce du remplacement de la taxe professionnelle par une dotation d'État, notamment en 2010, n'est pas conforme en plus aux engagements pris. Concrètement, l'État propose, en 2010, de rembourser aux communes à taxe professionnelle unique au mieux ce qu'elles ont perçu en 2009. Or chacun sait que les communes doivent faire face à de plus en plus de dépenses sociales ou éducatives dont elles ont désormais la charge. Cela témoigne du caractère précipité d'une réforme qui engage l'avenir des collectivités locales. C'est d'ailleurs ce qui frappe également dans l'analyse du projet de réforme des collectivités locales, dont l'esprit général peut être résumé ainsi : « Il y a trop d'élus locaux ! » Il faudrait donc diviser par deux le nombre de conseillers généraux et de conseillers régionaux. Il existe à l'évidence des problèmes de compétences entre collectivités mais la réforme proposée ne répond en rien à une meilleure répartition des rôles ; elle l'a compliqué même en créant un élu hybride à deux têtes, cumulant deux fonctions bien distinctes pour la région et le département. Les motivations de cette réforme montrent une absence totale de connaissance de la réalité du terrain ? l'élu local est un élu de proximité, le dernier lien de solidarité. Plus grave encore, cela témoigne d'une grande méfiance à l'égard des élus locaux. D'où la tentation très forte de l'État de centraliser ses pouvoirs en gérant les collectivités par délégation, via les dotations budgétaires. Le gouvernement tente de faire porter la responsabilité du déficit public sur les collectivités. Ces dernières sont pourtant contraintes, de par loi, à une bonne gestion? contrairement à l'État ! nle gouvernement s'attaque de front à deux piliers de la décentralisation. D'une part, à la taxe professionnelle en la supprimant ; or c'est l'une des principales ressources financières des collectivités locales. Toutefois, le gouvernement s'engage à la compenser « à l'euro près ». Et d'autre part, à la réforme territoriale, dans le sillage des propositions du comité Balladur. L'avant-projet de loi, qui suscite beaucoup d'inquiétudes de la part des élus de tout bord politique, rebat les cartes des compétences à tous les échelons locaux. Il propose la création de « métropoles », nouveau type de communauté urbaine qui pourrait se voir attribuer une clause générale de compétence. propos recueillis par Éric BenhamouNONGérard LonguetCes réformes sont avant tout une opération vérité. Certains élus pensent en effet qu'ils peuvent faire le bonheur de leurs administrés en envoyant la facture à d'autres, notamment aux entreprises et à l'État, ou en augmentant indéfiniment le prélèvement fiscal sur les ménages. En vingt-cinq ans, la part des collectivités locales dans la richesse nationale a progressé de 50 % pour atteindre 11 % du PIB. La moitié s'explique par la décentralisation et le transfert des compétences. Mais l'autre moitié correspond à une dynamique d'intervention croissante des collectivités dans la vie de nos concitoyens. C'est vrai qu'elles apportent des réponses concrètes à un grand nombre de problèmes de société, comme le vieillissement de la population. Faut-il pour autant se résigner à laisser filer les impôts locaux ? Je ne le crois pas. La réforme territoriale vise non pas à revenir sur la décentralisation mais à introduire davantage de clarté dans les compétences de chacun et éviter doubles emplois et surenchères. Chacun gagnerait à faire ce qu'il doit faire et seulement ce qu'il doit faire ! Sur la suppression de la taxe professionnelle, qui intervient au moment même où le gouvernement s'engage dans cette réforme territoriale, par nature sensible, il ne faut pas perdre de vue son objectif : alléger la fiscalité des entreprises, surtout pour celles qui investissent le plus ou qui sont fortement exposées à la concurrence. Certains évoquent une perte d'indépendance fiscale des collectivités. C'est tout d'abord à moitié vrai car les communes fixeront le taux de la contribution locale d'activité ? environ la moitié des recettes de la taxe professionnelle. Mais surtout, cette notion d'indépendance fiscale n'a guère de sens : l'effort économique doit être partagé par tous. On ne peut pas en même temps se plaindre des délocalisations et augmenter sans cesse la taxe professionnelle. Et dans un système ouvert, où les Français habitent dans une commune, travaillent dans une autre et consomment dans une troisième, il faut soutenir la mutualisation des moyens et le partage des efforts entre bloc communal, département et région. Parce qu'avec Jean-Pierre Raffarin, je suis pour la décentralisation, j'en souhaite la condition première : la clarification des rôles de chacun. nIl faut soutenir la mutualisation des moyens et le partage des efforts. »
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