Les deux pays ont des perceptions mutuelles biaisées

Sondages contre sondages, perception contre perception : alors que les deux géants de la planète s'affrontent sur le terrain commercial, voire diplomatique, la relation sino-américaine s'écrit en termes d'interdépendance, compte tenu du poids de leurs deux économies dans le monde et de l'intrication de leurs liens. La Chine dépend de l'immense appétit des consommateurs américains pour ses exportations, les États-Unis de l'énorme épargne chinoise pour placer sa dette. Les deux voulant jouer, ouvertement ou en coulisse, un rôle à leur mesure dans le monde. Mais si, à force de se rencontrer, les deux partenaires ont appris à se connaître, leurs perceptions respectives restent biaisées. Selon un sondage publié dans le « China Daily » deux jours avant la visite de Hu à Washington - et qu'il faut analyser avec circonspection -, 80 % des Chinois estiment que la relation des États-Unis avec le Japon est une « menace » pour leur pays. Aucune mention n'est faite de la seule menace américaine pour la Chine - sans doute pour ne pas mettre directement en cause le puissant partenaire. Le même sondage indique toutefois que 80 % des personnes interrogées estiment que les États-Unis sont responsables du récent refroidissement des relations entre les deux pays. Enfin, le « China Daily » mentionne d'autres sondages, réalisés sur les cinq dernières années selon lesquels une majorité de Chinois estimerait que les États-Unis sont bien une « menace majeure ». Menace actuelle ou plutôt passée ? « Les résultats du sondage s'expliquent par une vision de la Chine, victime de l'Occident. Cela renvoie à une conception, erronée, d'un pays faible sous la botte américaine. Les Chinois considèrent que tout ce que font les États-Unis est dirigé contre la Chine et son expansion », explique Jin Canrong, professeur de relations internationales à l'Université du peuple, à Pékin.Rapport de force inverséL'idée n'est pas nouvelle. Mais alors que la crise économique et financière a décrédibilisé le modèle américain en Chine, elle trouve un écho favorable auprès des « nouveaux nationalistes » : membres conservateurs de l'armée, du parti, fonctionnaires dans différents ministères ou, encore, journalistes. Certains ont même vu dans la débâcle américaine une justification de leur propre modèle : une économie contrôlée, associée à un régime politique autoritaire. De quoi développer une certaine arrogance... Côté américain, la crise aidant, la perception vis-à-vis de la Chine a évolué. En février 2008, l'étude d'opinion du Pew Center, un institut de recherche, faisait apparaître que 41 % des Américains considéraient toujours leur économie comme « number one » et 30 % seulement voyaient dans la Chine la première puissance économique mondiale. Ce rapport s'est depuis inversé. Le dernier sondage, rendu public à la veille de l'arrivée à Washington du leader chinois, fait état de 47 % d'Américains considérant la Chine comme le leader mondial, les États-Unis ne recevant que 31 % des suffrages. La reconnaissance de ce nouveau rapport de force ne va pas sans douleur, ou sans dénégation, pour les nostalgiques de la puissance américaine du mouvement du Tea party ou certains salariés déboussolés. Si les Américains devront bien se faire à leur nouveau statut et les Chinois au leur, la relation entre les deux géants, sur fond d'enjeux colossaux, est encore loin d'être pacifiée. Il faudra donc encore bien des visites officielles, des deux côtés, pour que la confiance s'installe.
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