Controverse sur l'assistance à l'Afrique

« L'Aide fatale », de Dambisa Moyo, a bénéficié d'un marketing efficace. Une jeune auteure ravissante, Dambisa la Zambienne. Une formation impeccable? : Oxford, Harvard. Une carrière de rêve ?: la Banque mondiale, pour la bonne conscience charitable, et Goldman Sachs, pour le prestige libéral. Un titre formidable grâce à l'allitération en anglais? : « Dead Aid ». Pas mal non plus, en français?: l'aide fatale. Surtout, une thèse simple ?: l'aide au développement a ravagé l'Afrique, son arrêt la sauvera. Deux fois 120 pages, et l'Afrique repart. La thérapeutique?? Un peu de capitaux empruntés sur les marchés, un peu de commerce, libre et équitable, un peu de Chine ? investissant à tout-va dans les ressources naturelles, les infrastructures et les banques ?, et enfin un peu de microcrédit. L'effet d'un tel cocktail est assuré? : les professionnels du développement vont se récrier, les afro-optimistes seront ravis car c'est un hymne à l'Afrique, et les afro-pessimistes se trouveront confortés par le tableau des ravages des subventions. À gauche, on relèvera la tête?: l'aide n'était donc qu'une nouvelle ruse de l'Occident. À droite, on se réjouira?: il faut du libre-échange, des marchés financiers et du secteur privé. Le rythme est endiablé, le ton prophétique, la controverse certaine et le succès assuré.Vous aimerez Dambisa et son livre. Sa passion de l'Afrique. Sa fureur adolescente. Mais quand vous refermerez le livre et son torrent de paradoxes, il ne restera que le vertige de la séduction d'une idée fausse. Les 120 dernières pages ? le monde sans aide ? sont utiles mais n'apportent rien de neuf. Elles vulgarisent des faits trop peu connus et sont une bonne pédagogie de l'afro-optimisme. L'Afrique connaît en effet depuis les années 2000 une croissance rapide (5 % l'an) et vertueuse (grands équilibres et meilleure gouvernance)?; la finance s'y développe plus vite qu'ailleurs? ; la Chine et l'Inde y ont fait bondir le commerce et l'investissement ?; les migrants envoient vers leurs pays d'origine plus de capitaux que l'ensemble des flux d'aide publique au développement? En revanche, les 120 premières pages susciteront la polémique. Elles sont assez neuves mais vraiment fausses. Ce qui est nouveau n'est pas tant la critique que sa conséquence simple, voire simpliste? : arrêtons les subventions en cinq ans. Opposons à cela trois modestes constats. D'abord, l'aide est perfectible?: des milliers de professionnels s'y emploient tous les jours pour la rendre plus rapide, plus décentralisée, plus respectueuse des sociétés et des systèmes productifs? Ensuite, l'aide publique a désendetté l'Afrique en dix ans, lui épargnant la crise financière de 2008. Enfin, les flux de subventions publiques participent de la gigantesque mobilisation de capital pour le développement. Quatre secteurs n'ont jamais assez de financement tant ils sont intensifs en capital?: l'agriculture pour éradiquer la faim, l'énergie pour faire décoller l'industrie, les infrastructures de transport pour faire du commerce et les systèmes sociaux publics pour l'éducation et la santé. L'aide sera fatale quand le secteur privé s'intéressera à ces quatre secteurs et y suffira. Ce sera pour la génération des petits-enfants de Dambisa? Lionel Zinsou, président de PAI Partners« L'Aide fatale », par Dambisa Moyo, éditions JC Lattès, 280 pages, 20 euros.
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