Tempête politique en Sarkozie

Rester le maître du temps politique, tenir son calendrier quand le sol se dérobe sous vos pieds, quand les repères se brouillent. Dimanche soir, les résultats du premier tour des élections régionales sont décortiqués lors d'une réunion à l'Élysée, en présence des principaux responsables de la majorité. Nicolas Sarkozy impose sa ligne pour le second tour. Deux enseignements du scrutin n'ont pas échappé au chef de l'État : moins d'un an après sa débâcle aux européennes, le Parti socialiste est redevenu le premier parti de France, avec plus de 29 % des voix, et le Front national, exsangue depuis la présidentielle de 2007, est revenu des enfers, avec 11,4 % des suffrages. Qu'à cela ne tienne, Nicolas Sarkozy décide que ces deux axiomes seront minimisés.Les ministres et responsables UMP sont chargés de délivrer un seul et unique message sur les plateaux de télévision : rien n'est joué, la droite, tombée à un plus-bas historique, avec 26,25 % des voix, dispose de réserves de voix et le niveau record de l'abstention (53,6 %) empêche toute lecture nationale de ces élections et contredit l'hypothèse d'un vote sanction. À la veille du scrutin, Nicolas Sarkozy l'avait affirmé dans une interview controversée au « Figaro magazine » : « Élections régionales, conséquences régionales ». La pause dans les réformes ? Pas avant le second semestre 2011. Et pas de remaniement d'ampleur, tout juste des « adaptations gouvernementales ». Ce dimanche de premier tour, l'Élysée édifie sa ligne Maginot. Lundi matin, ces consignes sont répétées lors d'une nouvelle réunion autour du président de la République. Mais, selon un ténor de l'UMP, « il flotte comme un air de juin 1940 ». Nicolas Sarkozy ne le citera probablement jamais mais Dominique de Villepin, son grand rival, avait coutume de dire « qu'il n'y a qu'un seul organe qui fonctionne chez les élus, le trouillomètre ». Et l'UMP prend peur, alors que les fondamentaux du sarkozysme s'effilochent, se déchirent même dans l'électorat populaire, à deux ans de l'élection présidentielle. Lundi et mardi, les langues se délient. La colère et l'incompréhension dominent. On fustige le « déni de réalit頻 élyséen. « Il ne faut pas se raconter d'histoire, c'est un très mauvais résultat », s'insurge le député de la Somme, Alain Gest, pourtant ultrasarkozyste.Pêle-mêle, les élus s'en prennent aussi au « style » de Nicolas Sarkozy, à la poursuite de « l'ouverture ». Sans oublier la taxe carbone, « tout ça pour séduire des écolos qui votent à gauche », grommelle un député. Et ce débat maudit sur l'identité nationale, lancé par le ministre de l'Immigration, Éric Besson, lui aussi venu du PS. On reproche aussi à Nicolas Sarkozy sa stratégie d'union au premier tour et le parti unique, indexé sur la cote de popularité du chef de l'État. « Une réflexion s'impose désormais sur le rythme des réformes », tonne Alain Juppé sur son blog. Pour l'ancien Premier ministre chiraquien, qui se verrait bien en recours à droite en 2012, l'Élysée doit « corriger ce qui doit l'être ». Mardi midi, alors que Nicolas Sarkozy est en Charente-Maritime, François Fillon se rend en personne au siège de l'UMP pour délivrer un message de fermeté à l'intention des plus frondeurs : « Tous ceux qui veulent, par des critiques qui sont des critiques inutiles, affaiblir la majorité commettent une faute contre cette majorité. »Mardi après-midi, un sondage Ifop confirme le désamour des Français pour Nicolas Sarkozy, qui obtient son score d'approbation le plus bas depuis son arrivée à l'Élysée (36 %). Et voilà que socialistes, Verts et Front de gauche parviennent à des alliances de second tour, avec comme seuls points noirs sur la carte de France la Bretagne et le Limousin. L'UMP, qui avait compté sur de difficiles tractations, sous-estimant le travail de rapprochement déjà engagé avant le premier tour, perd un argument de taille. La dynamique d'union passe de droite à gauche.Mardi soir, Marine Le Pen appelle les Français à « crier le plus fort possible » au second tour car l'UMP n'a « pas entendu le vote sanction ». « Ils ont encore une chance dimanche prochain pour que le signal monte dans les bureaux lambrissés de Nicolas Sarkozy », lance la vice-présidente du Front national. Mercredi matin, c'est le député chiraquien François Baroin qui appelle Nicolas Sarkozy à « entendre le message de l'électorat de droite ». « On a pris une claque, la vertu d'une claque en politique, c'est au moins de réveiller », lance-t-il sur Europe 1. Au même moment, sur France Inter, le socialiste François Hollande fait un constat simple : « Pour qu'il y ait victoire de la gauche en 2012, il faut qu'il y ait des électeurs, qui ont pu voter à droite en 2007, qui prennent la décision, souhaitable, de changer. Des électeurs sarkozystes de 2007 ne seront pas pour toujours des électeurs sarkozystes. »Depuis le premier tour, Xavier Bertrand est lui aussi pris sous le feu des critiques. Mercredi midi, Nicolas Sarkozy reçoit le secrétaire général de l'UMP à déjeuner. « Parce qu'il s'est bien battu », explique-t-on à l'Élysée en soulignant que les plus critiques sont « ceux qu'on n'a pas vus dans la campagne ».Auparavant, en Conseil des ministres, le chef de l'État, chef d'une armée en déroute, appelle les membres du gouvernement à aller « tous sur le terrain » ; « Battez-vous jusqu'au bout », leur intime-t-il. En fin de matinée, il reçoit Jean-François Copé, le turbulent président du non moins indocile groupe UMP de l'Assemblée nationale. L'hypothèse d'un remaniement d'ampleur reprend corps. Le nom de Jean-François Copé avait même été évoqué pour Matignon, en cas de départ de François Fillon. Dans une lettre à ses troupes, le patron des députés UMP a appelé à « la mobilisation générale » pour le second tour, tout en estimant que « des enseignements » devront être tirés des résultats. À l'Élysée, on renvoie à l'interview présidentielle du « Fig-Mag ».Premier rendez-vous saillant au lendemain des régionales : la réunion extraordinaire du groupe UMP de l'Assemblée le mardi 23 mars. « Ça va cogner », prédit un député. Jeudi matin, Martine Aubry, Cécile Duflot et Marie-George Buffet font une déclaration commune à Paris pour acter la naissance de la « gauche solidaire ». La bataille de 2012 a vraiment commencé.Hélène Fontanaud
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