"N'est-on pas allé trop vite, trop loin, dans les politiques d'austérité ? "

Dans un document de travail publié par le Centre d\'analyse stratégique (ex-commissariat au Plan), vous  analysez l\'impact des politiques d\'austérité en Europe. Quelles sont vos principales conclusions ?Je pars du constat que si le débat est vif aux Etats-Unis sur la politique économique, il est quasiment inexistant en Europe. Outre-Atlantique, on s\'inquiète de plus en plus de l\'impact négatif de l\'austérité budgétaire sur la croissance. En Europe, l\'idée prévaut toujours que la baisse des déficits publics renforce la confiance et donc l\'activité économique. C\'est ce que l\'économiste Paul Krugman, dont le dernier livre sera publié en France en septembre, appelle la « fée confiance ».C\'est l\'idée qu\'a toujours défendue Jean-Claude Trichet, par exemple, selon laquelle l\'austérité, renforçant la confiance des consommateurs et investisseurs, dope toujours la consommation, l\'investissement... et par là même la croissance.Oui, et c\'est une idée que de moins en moins d\'économistes défendent. Ils voient toutes les études empiriques démontrant le contraire. Il y a bien un effet multiplicateur des politiques budgétaires : quand on dépense plus, le PIB progresse d\'un montant supérieur à la dépense publique injectée dans l\'économie. Et quand, au contraire, la dépense se réduit, le PIB s\'en trouve diminué.Pourquoi ce débat ne s\'impose-t-il pas en Europe ?Il y a la force des idées allemandes, selon lesquelles la réduction du déficit est nécessairement vertueuse, quel que soit le rythme. Or cela peut nous conduire à des consolidations budgétaires autodestructrices : plus on réduit le déficit en coupant dans les dépenses ou en augmentant les impôts, plus on diminue la consommation, l\'investissement, et donc la croissance. D\'où une baisse des recettes fiscales, et, in fine, le déficit n\'est pas diminué. Une question s\'impose : n\'est-on pas allé trop vite, trop loin, dans les consolidations budgétaires ?Comment éviter cet écueil ? Quelles seraient les politiques à mener ? Une politique d\'investissement public aurait un effet favorable. A la fois à court terme, en dopant la demande, et à moyen terme, en renforçant la productivité.Une deuxième piste : la plupart des économistes se penchent à nouveau sur la période 1945-1980, pendant laquelle on a réduit une dette publique très élevée, issue de la guerre, sans austérité, en misant sur la croissance et des taux d\'intérêt très faibles, souvent négatifs en termes réels (une fois l\'inflation déduite).Vous affirmez en outre que la baisse de la dépense publique peut être plus dommageable pour la croissance que les hausses d\'impôts...Les coupes dans les dépenses ont un effet immédiat sur les dépenses des agents. S\'agissant des impôts, une hausse de la TVA a un effet tout aussi négatif. En revanche, d\'autre prélèvements, ne visant pas la consommation, peuvent contribuer à réduire le déficit public avec moins d\'impact sur la croissance.Que devrait faire le gouvernement français ?D\'un strict point de vue économique, il faudrait peut-être renoncer à aller si vite dans la réduction des déficits. S\'agissant de la politique budgétaire, le timing de la baisse du déficit est fondamental : aller trop vite, c\'est provoquer la récession.C\'est-à-dire renoncer à passer d\'un déficit de 4,5% du PIB en 2012 à 3% en 2013 ?C\'est cela. Mais d\'un point de vue politique, c\'est évidemment très délicat. Des engagements ont été pris, notamment vis-à-vis de l\'Allemagne.
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