Ray Anderson, jusqu'au bout de l'écologie appliquée à l'industrie

Rien ne prédisposait Ray Anderson à devenir le chantre de l'écologie appliquée à l'industrie. Surtout pas l'activité d'Interface. L'entreprise, qu'il a fondée en 1973 et qui emploie plus de 3.000 salariés pour un chiffre d'affaires de 860 millions de dollars en 2009, est devenue leader du revêtement de sol en dalles, un produit issu de dérivés du pétrole... « Quand j'ai découvert la moquette en dalles, j'ai immédiatement été conquis, se rappelle Ray Anderson. La technique était parfaitement adaptée aux bureaux des années 1970, aux câbles des ordinateurs, à la modularité des espaces... » Aussi, lorsqu'il décide de créer sa propre entreprise en 1973, il choisit de la construire autour de ce produit. Après des débuts difficiles, le succès est au rendez-vous. Ce qui n'empêche pas son fondateur, 60 ans à l'époque (1994) dont 22 ans à la tête d'Interface, de se remettre en cause lorsque certains clients, « une poignée d'architectes et de designers visionnaires », le questionnent à propos d'environnement. « J'ai réalisé que nous ne faisions rien pour préserver l'environnement », reconnaît Ray Anderson, qui décide alors de monter une task-force dédiée. En toute logique, il lui revient de définir une vision écologique pour Interface. À la recherche d'inspiration, il tombe sur « L'écologie du commerce ». L'auteur, Paul Hawken, prend pour exemple l'île Saint-Mathieu dans la mer de Bering, pour illustrer l'effondrement d'un écosystème induit par une mauvaise gestion de ses ressources. Le message est sans ambiguïté : voilà ce qui attend la Terre si nous continuons au rythme actuel de gaspillage. L'ouvrage souligne la responsabilité de l'entreprise dans les ravages causés à la nature, tout à la fois principale cause et principale solution. Fasciné par la lucidité et la clarté du propos, Ray Anderson (qui raconte l'épopée d'Interface vers la neutralité environnementale dans « Confessions of A Radical Industrialist », publié il y a quelques mois) y puise les fondations de sa vision écologique pour son entreprise. Très vite, la task-force se fixe des objectifs bien au-delà de la simple responsabilité environnementale. « Nous avons décidé de faire d'Interface la première entreprise sans impact sur l'environnement et, à terme, de rendre à la nature plus que ce que nous lui prendrions, notamment en inspirant d'autres industriels », raconte Ray Anderson quinze ans plus tard. « L'objectif doit être suffisamment excitant pour motiver les troupes », affirme-t-il. Indispensables au début, les incitations financières sont peu à peu passées après la fierté d'appartenir à un groupe qui « ne fait pas seulement de la moquette, mais qui écrit l'histoire ». Notamment en recherchant dans le monde entier les technologies de recyclage des produits issus du pétrole ou en les inventant ; en analysant scrupuleusement chaque piste envisagée, en élaborant des indicateurs spécifiques pour l'eau, l'énergie, le taux de produits recyclés utilisés, etc.Ray Anderson estime avoir aujourd'hui parcouru environ 60 % du chemin vers le « zéro impact », objectif fixé pour 2020, avec notamment une diminution des émissions de CO2 de 71 % depuis 1996. À la clé, 400 millions de dollars économisés, une part de marché et une image améliorées et des profits en hausse constante, à l'exception de l'année 2009. «  Je veux démontrer qu'on peut être à la fois responsable et profitable », résume Ray Anderson. S'il n'a rien d'un philanthrope, il regrette que les mentalités n'évoluent pas plus rapidement. « C'est un par un que les clients, les fournisseurs, les citoyens changent... » Il peut être fier d'y contribuer depuis près de vingt ans.· Demain : Étienne Bourgois, PDG d'Agnès B.
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