Grand emprunt  : le privé appelé

Mérite-t-il encore l'appellation de « grand emprunt » ? Annoncé le 22 juin par le chef de l'État, l'emprunt destiné à financer les investissements du futur sera en fait limité à 22 milliards. S'y ajouteraient les 13,5 milliards prêtés aux banques, que celles-ci remboursent actuellement à l'État, soit un total de 35 milliards d'euros d'investissements financés par l'argent public. Telles sont les préconisations de la commission sur « les dépenses d'avenir », présidée par Alain Juppé et Michel Rocard, qui remettra aujourd'hui son rapport à Nicolas Sarkozy. Le texte a fait l'objet d'une concertation étroite avec l'exécutif, qui le reprendra certainement à son compte. C'est donc la victoire de François Fillon et des « rigoristes », contre ceux, tel le conseiller spécial du président de la République, Henri Guaino, suivi par une soixantaine de députés, qui militaient pour une opération d'une plus grande ampleur (entre 50 et 100 milliards).Mais le gouvernement ne manquera pas de souligner que les investissements prévus dépasseront largement les 35 milliards. Alain Juppé a résumé hier, sur RTL, le futur argumentaire : « Les 35 milliards auront un effet de levier, puisque nous souhaitons que des fonds privés viennent abonder les fonds d'État, et donc c'est un ensemble d'investissements qui peut atteindre 60 milliards, c'est tout à fait considérable. »Mais le privé est-il prêt à suivre ? Ce ne sera pas toujours possible. Ainsi, la première dépense envisagée, l'investissement de 16 milliards d'euros dans l'université et la recherche, ne pourra pas être abondée. De même que les 4,5 milliards envisagés pour la « ville de demain ». En revanche, qu'il s'agisse des transports du futur (3 milliards d'euros), des éco-industries, ou du numérique (4 milliards), il sera fait appel au privé. Les experts évoquent, à titre d'exemple, l'idée d'un euro d'argent privé pour un euro d'argent public. Les industriels demandeurs ne sont pas toujours prêts à suivre.Ainsi, le groupe Bull qui défend un projet de « cloud computing » (l'ensemble des usages distants, tel Gmail, qui reposent sur des grandes usines informatiques) propose la création de trois « centrales numériques ». L'investissement global serait de 830 millions à 1 milliard d'euros sur cinq ans. Didier Lamouche, PDG de Bull, explique être prêt à investir entre 100 et 150 millions en R&D sur cinq ans, plus 20 à 30 millions pour les infrastructures? On est loin d'un partage 50-50.v?ux exaucés Bernard Charlès, directeur général de Dassault Systèmesave;mes, estime « prématur頻 de « tenter de répondre » à la question, sans avoir une meilleure compréhension des modèles. « Certains projets importants d'éducation ou de santé n'auront pas nécessairement de business model rentable à cinq ou dix ans, alors que d'autres, tel le ?cloud computing?, peuvent permettre de créer plus rapidement de nouvelles entreprises rentables. » Quant à l'aéronautique française, Airbus demande, au nom du secteur, 800 millions d'euros sur cinq à six ans, pour pouvoir disposer à l'horizon 2015 de technologies de rupture. Elles équiperaient notamment le successeur du moyen-courrier A320, un programme dont le coût devrait avoisiner les 10 milliards d'euros. Une proportion, dans ce cas, en ligne avec les souhaits du gouvernement.
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