L'exquise esquisse de

Peut-être un jour réussira-t-il à décrocher les étoiles. Car rien ne résiste au talent de Joann Sfar. Le jeune homme avait déjà effectué une entrée fracassante dans le monde de la bande dessinée (« le Chat du Rabbin »). Il est aujourd'hui parvenu à réunir plus de 15 millions d'euros pour un premier film ? « Gainsbourg (vie héroïque) » ? une biographie de l'auteur de « la Javanaise » pour laquelle il a obtenu carte blanche. Et de réussir par la même occasion l'une des ?uvres cinématographiques françaises les plus originales qu'il ait été donné de voir ces dernières années. Car Sfar n'a pas hésité à mêler son propre univers à celui du poète, bousculant ainsi le genre de la biographie.L'histoire de Serge Gainsbourg, c'est celle d'un « p'tit gars » pas franchement gâté par la nature. Né Juif au moment où la France atteint des pics d'antisémitisme, desservi par un physique peu avantageux, il est néanmoins parvenu à s'imposer comme l'un des artistes français les plus marquants de ces cinquante dernières années. Un poète exceptionnel capable de faire tomber les plus belles femmes à ses pieds, de Juliette Gréco à Bambou en passant par Brigitte Bardot et Jane Birkin.De Ginsburg à GainsbarreMais pas question pour Joann Sfar de se contenter d'illustrer cela. Ce qui compte pour lui c'est certainement moins la réalité des faits que ce qui se passe dans la tête de Gainsbourg. Aussi celui-ci est-il souvent flanqué à l'écran de son double incarné par un étrange personnage qui semble tout droit sorti d'une bande dessinée du réalisateur. Idéal pour raconter le rapport à la judaïté du poète, resté à jamais le petit Lucien Ginsburg fils d'immigrés russes traqués par les nazis sous l'occupation, rattrapé par l'antisémitisme au moment de son adaptation reggae de « la Marseillaise ». Mais ce double, baptisé « la gueule » et qui incarne toute la complexité de l'homme, c'est aussi Gainsbarre l'autodestructeur.On est donc loin ici de la biographie consensuelle tendance « Ray » sur Ray Charles. Sfar revendique d'ailleurs d'avoir réalisé un conte, tout à la fois fantastique, drôle, émouvant, délicat, moqueur. Mais surtout une ode à la création. Il est en cela aidé par une extraordinaire brochette de comédiens si bien dirigés qu'ils en deviennent ressemblants sans avoir à jouer le mimétisme. Il y a Éric Elmosnino bien sûr, formidable incarnation du poète. Sara Forestier, dans le rôle hilarant d'une France Gall niaiseuse à souhait, n'a jamais été aussi bonne. Mais c'est surtout Laetitia Casta qui laisse sans voix. Époustouflante dans le rôle de Brigitte Bardot dont elle a su retrouver la fraîcheur depuis longtemps oubliée. n
Commentaire 0

Votre email ne sera pas affiché publiquement.
Tous les champs sont obligatoires.

Il n'y a actuellement aucun commentaire concernant cet article.
Soyez le premier à donner votre avis !

-

Merci pour votre commentaire. Il sera visible prochainement sous réserve de validation.