Les milliards de l'assurance vie sont-ils vraiment "sous-exploités" ?

L\'assurance vie s\'est invitée à l\'audition d\'Arnaud Montebourg, ministre du Redressement productif, par la Commission des Affaires économiques de l\'Assemblée nationale mercredi 18 juillet. Se définissant comme un \"médecin urgentiste\" dans le contexte actuel, il souligne le fait que les entreprises n\'arrivent plus à se financer par les circuits financiers traditionnels. Outre l\'annonce de la création d\'un livret Industrie, Arnaud Montebourg compte mettre son nez dans les milliards de l\'assurance vie.\"Nous allons ouvrir aussi le chantier de l\'assurance vie. Nous avons 1600 milliards d\'assurance vie, bénéficiant d\'ailleurs d\'une défiscalisation. Qu\'est-ce que nous en faisons ? Dans la mondialisation actuelle, cet atout extraordinaire n\'est-il pas sous-exploité ? Ce sont des questions que nous allons nous poser au moment des débats sur la Banque publique d\'investissement avec Pierre Moscovici\", a-t-il déclaré dans ses propos introductifs. Une Banque publique d\'investissement qu\'il souhaite opérationnelle d\'ici la fin de l\'année.Alors qu\'en est-il vraiment ? Vers quoi le stock d\'épargne de l\'assurance vie est-il orienté aujourd\'hui ? Et les assureurs réinvestissent-ils les primes récoltées dans l\'économie réelle ?Où Arnaud Montebourg a-t-il trouvé ce chiffre de 1600 milliards d\'euros ? A fin mai 2012, l\'encours des contrats d\'assurance vie s\'élève à 1364 milliards d\'euros. Peut-être Arnaud Montebourg a-t-il fait la confusion avec les 1600 milliards d\'euros que les sociétés d\'assurance ont investi au total dans l\'économie... 1600 milliards d\'euros, qui représentent ainsi l\'ensemble des actifs détenus à la fois par les compagnies d\'assurance vie et par les compagnies d\'assurance dommages. Un chiffre qui date par ailleurs de l\'année 2009.La Fédération française des sociétés d\'assurance (FFSA) communique un chiffre de 1686 milliards d\'euros en 2010, et estime que l\'ensemble des placements s\'élève à 1702 milliards d\'euros en 2011.Comment l\'encours de l\'assurance vie est-il investi ?Les sociétés d\'assurance vie et mixtes représentent 89.5% de l\'ensemble des placements des sociétés d\'assurance (1702 milliards d\'euros), contre 10.5% pour les sociétés d\'assurance dommages. Les obligations d\'Etat (31%) et les obligations d\'entreprises (37%) représentent la plus grande partie de ces placements (voir tableau ci-dessous), les actions ne pesant que 17% de l\'ensemble.Mais la profession n\'isole pas les chiffres correspondant aux placements de l\'assurance vie. C\'est d\'ailleurs une lacune que la Cour des comptes déplore dans son rapport publié en janvier 2012. L\'institution aurait notamment souhaité connaître la \"destination ultime des placements\" et la \"répartition des placements par nature de contrats\".Les contrats d\'assurance vie en unités de compte permettent par exemple d\'investir plus fortement dans les entreprises. Si l\'on sait qu\'ils sont actuellement boudés par les épargnants, représentant 14% des cotisations versées en 2011, la ventilation des placements réalisés via ce type de contrats n\'est pas communiquée.La Cour des comptes critique par ailleurs la difficulté d\'évaluer les investissements des assureurs dans des entreprises françaises :  \"la contribution spécifique de l\'assurance-vie au financement des entreprises résidentes est singulièrement difficile à mesurer, car cela suppose de savoir ce que serait ce financement dans un autre contexte. En particulier, aucune quantification des effets d\'une modification des règles fiscales de l\'assurance-vie sur l\'évolution des encours et la nature des contrats souscrits, ainsi que de son impact sur la stratégie de placement des assureurs, n\'a été réalisée\".L\'assurance vie finance-t-elle vraiment les PME ?En 2011, 56% des placements des assureurs sont ainsi réalisés vers des actifs d\'entreprise : 953 milliards d\'euros ont été investis par les assureurs dans les entreprises, dont 425 milliards d\'euros dans des entreprises situées en France. Des chiffres tout relatifs selon la Cour des comptes : \"la majorité des actifs d\'entreprises détenus par les assureurs est composée d\'obligations bancaires et ne participe ainsi qu\'indirectement au financement de l\'économie. L\'analyse commune de la Banque de France et de l\'Autorité de contrôle prudentiel montre que les assureurs ont sensiblement accru la part dans leur portefeuille de titres émis par les institutions financières résidentes hors secteur des assurances, qui s\'élève à 17,1 % en 2010. En comparaison, les titres de sociétés non financières résidentes n\'en représentent que 7 %\".Quant à l\'investissement des assureurs dans les entreprises non cotées, il était allé croissant de 2003 (8.8 milliards d\'euros) à 2008 (25.6 milliards d\'euros). Il a ensuite ralenti en 2009 et 2010, pour atteindre respectivement 22.1 et 22.8 milliards d\'euros. En 2011, les assureurs ont repris le chemin des PME, avec 24.5 milliards d\'euros investis dans ce secteur, dont 3 milliards d\'euros d\'investissements nouveaux réalisés. Cette somme se décompose pour 1.5 milliards d\'euros vers les PME non cotées, pour 0.8 milliards d\'euros vers les PME cotées, et pour 700 millions d\'euros vers Oseo. Au final sur l\'année 2011, 18.3 milliards d\'euros ont été effectivement investis sur les 24.5 milliards d\'euros débloqués par les assureurs. Les capitaux en attente d\'investissement ont quant à eux augmenté : 5.5 milliards d\'euros étaient en gestation en 2010 contre 6.2 milliards d\'euros en 2011. Un décalage dû entre autres à une période peu propice aux rachats d\'entreprises. A terme, si les fonds de private equity n\'arrivent pas à investir cet argent dans le temps qui leur est imparti, il peut être décidé d\'un allongement de la période d\'investissement ou d\'une restitution du capital aux assureurs.La Cour des comptes conclut dans son rapport : \"Dans les faits, les entreprises d\'assurance réalisent une grande partie de leurs placements dans des actifs d\'entreprise. Cependant, l\'examen minutieux de la structure de leurs investissements qui n\'est en elle-même pas contestable, montre un écart avec la volonté des pouvoirs publics de contribuer à financer les entreprises participant au dynamisme de l\'économie française.\"Quelles sont les réformes ou les initiatives possibles concernant l\'assurance vie et le financement de l\'économie ?Plusieurs propositions ont été avancées par différentes parties prenantes pour améliorer le financement de l\'économie par l\'assurance vie.En 2011, le président de la commission des Finances du Sénat, Jean Arthuis, soutenu à l\'époque par l\'AFIC (Association française des investisseurs en capital) et l\'AFG (Association française de gestion), prônait le fléchage d\'au moins 1% des fonds de l\'assurance vie vers Oseo.Pendant la campagne présidentielle, l\'Institut Montaigne recommandait pour sa part d\'allonger l\'exonération fiscale des contrats d\'assurance vie de huit à douze ans.Pour la Cour des comptes, un fléchage plus important de l\'assurance vie vers le financement de l\'économie \"implique la création de formules d\'investissement qui correspondent aux objectifs et contraintes de gestion\" des assureurs. En réponse au rapport de la Cour, le président de la CGPME indiquait enfin : \"à l\'occasion des travaux menés sur le thème du financement des PME, la Confédération a bien formulé le souhait de voir émerger un nouveau produit mutualisé et intitulé \"obligations d\'entreprises sur le modèle des obligations foncières sécurisées\". Cette proposition avait été élaborée par mes services dès décembre 2009\". Répartition de l\'encours des placements des sociétés d\'assurance à fin 2011 En milliards d\'euros En pourcentage Actions d\'entreprises 289.4 17% Obligations d\'entreprises 629.9 37% Obligations émises ou garanties par l\'Etat 527.7 31% Actifs immobiliers 68.1 4% Actifs monétaires 119.2 7% Autres 68.1 4% Total général 1702.4 100% Dont sociétés vie et mixtes 1523.6 89.5% Dont sociétés dommages 178.8 10.5% Source: FFSA-GEMA, Banque de France
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