Le munster : un bouquet de saveurs florales

Certains visiteurs entrent dans l'atelier de Jacques Haxaire, affineur à Lapoutroie (Haut-Rhin), en se bouchant ostensiblement le nez. Au moment de la dégustation, avant de ressortir, les mêmes personnes réclament encore un morceau du « fermier au lait cru », le plus puissant des munsters produits à Lapoutroie. Convaincus par la démonstration, ils se laissent aller... Troisième représentant de sa famille de fromagers, Jacques Haxaire a réaménagé La Graine au Lait et ses ateliers de caillage, d'égouttage en moule, de saumurage et de ressuyage, comme un écomusée entièrement vitré. La belle couleur orangée du fromage apparaît après trois à quatre semaines dans la cave à 10 °C, à saturation d'humidité, juste avant que le munster frais, produit à 8.000 tonnes par an, ne soit bon pour la dégustation et l'expédition. Et les locaux de la Graine au Lait, aux normes d'hygiène européennes de l'International Food Standard, n'ont pas d'odeur?!« Le munster est l'emblème des fromages qui puent », reconnaît sans ambages René Tourrette, fromager, affineur et restaurateur à Strasbourg. « Comme toutes les pâtes molles à croûte lavée, il demande un soin particulier au vieillissement. Un munster qui aurait séché devient agressif, le sel se concentre à la surface, la pâte devient piquante. Pour éviter ce désagrément, il faut continuer de laver la croûte périodiquement, à la maison », conseille René Tourrette. Après le nez, la bouche?: un bon munster offre un concentré de saveurs florales de pâturages en été. Chez Jacques Haxaire, les vaches qui produisent le lait (8 à 9 litres pour un kilo de munster) se nourrissent dans les prairies du parc des Ballons des Vosges, où le foin et le regain regorgent de boutons d'or, de pissenlits, de genêts et de chrysanthèmes des prés. Un lait que les fermiers locaux préfèrent valoriser sur place?: Hubert Haenel, membre du Conseil constitutionnel et ancien sénateur du Haut-Rhin, a mobilisé ses réseaux européens pour que les producteurs de sa vallée obtiennent 1 million de litres de quotas supplémentaires. « Je fais souvent un test avec des clients américains, raconte René Tourrette. Ils s'attendent à pleurer en dégustant un fromage trop fort. Mais le munster fermier est doux en bouche, il séduit?! Quand je leur explique que le lait cru a sa propre alchimie, et rend la digestion plus aisée, ils sont conquis ». Cette volonté collective de séduction internationale n'a rien d'anecdotique?: chez Haxaire, 30 % de la production partent à l'export.Olivier Mirguet, à Strasbourg
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