L'Afghanistan, de guerre lasse

expo photo Deux photos côte à côte, d'une beauté à couper le souffle. Deux visions d'apocalypse. La première a été prise sur les ruines encore fumantes du World Trade Center à New York, en septembre 2001. La seconde, réalisée à quelques semaines d'intervalle, a été saisie dans un amas de pierres nommé Kaboul. Bienvenue aux Invalides, à Paris, où se tient une exposition exceptionnelle et inattendue. Car elle raconte sans tabou ? au sein même du musée de l'Armée ? l'histoire d'une guerre en cours.Portée par une scénographie fluide et intelligente, « l'Afghanistan et nous » donne à voir les soldats blessés ou tués (ce qui est rarissime, notamment dans la presse), les populations civiles touchées, sans jamais sombrer dans une quelconque propagande militariste. Et pour cause ! Si une vingtaine de tirages ont été réalisés par l'Établissement de communication et de production audiovisuelle de la défense, les 135 tirages restants sont signés des photoreporters de l'excellente agence « VII » dont fait parti le grand James Nachtwey, l'héritier de Robert Capa. « Nous sommes un musée d'histoire tourné vers le présent, confie Emmanuel Ranvoisy, le commissaire de la manifestation. Pour cette exposition, nous n'avons surtout pas voulu d'une vision militaro-militaire mais, au contraire, porter un regard plus large sur la réalité afghane. »apprentis sorciersEt quelle réalité ! Voilà maintenant trente ans que ce pays ? où les Américains ont joué les apprentis sorciers en soutenant les rebelles islamistes pendant la guerre froide ? est en conflit. Envahi par les Soviétiques de 1979 à 1989, en proie à une guerre civile (1992-1996) avant de tomber aux mains des talibans, eux-mêmes chassés par les troupes américaines en 2001. C'est là que commence l'histoire racontée aux Invalides.Pendant que George Bush convoque son staff dans le bureau ovale sous le regard du photographe Christopher Morris, les talibans, eux, parcourent les rues un fouet à la main pour pousser les commerçants à fermer boutique pour aller à la mosquée. Leur chute paraît facile. Mais la guerre est loin d'être gagnée. Sur le terrain, les combats sont de plus en plus rudes et touchent les populations civiles comme le montrent les panoramiques sombres, au grain épais de Balazs Gardi ou le reportage plein de bruit et de fureur de Linsey Addario.À la demande du musée, Éric Bouvet suit le 1er régiment d'infanterie de Sarrebourg en mai dernier et montre l'angoisse, la fatigue, voire le doute des soldats sur leur mission. D'autant que les choses ne s'améliorent pas vraiment au quotidien pour les Afghans. Encore moins pour les Afghanes que l'on continue de marier à l'âge de 11 ans, transformant ainsi des gamines en esclaves sexuelles doublées de petites bonnes. En témoigne le portrait de « mariage » de Stéphanie Sinclair. Seuls les narcotrafiquants d'opium semblent tirer leur épingle du jeu, l'argent de la drogue leur permettant de construire des maisons pimpantes en dehors des ruines de Kaboul.En frappant l'Amérique au c?ur, Ben Laden espérait ainsi forcer les États-Unis à intervenir en Afghanistan pour les y « saigner ». Lui et ses héritiers « réussiront-ils leur pari ? » demande Michael Barry, professeur à Princeton et membre du comité scientifique de l'exposition. Là est toute la question. n « L'Afghanistan et nous », jusqu'au 26 février (www.invalides.org). Catalogue : éditions Nicolas Chaudun, 256 p., 27 ?.
Commentaire 0

Votre email ne sera pas affiché publiquement.
Tous les champs sont obligatoires.

Il n'y a actuellement aucun commentaire concernant cet article.
Soyez le premier à donner votre avis !

-

Merci pour votre commentaire. Il sera visible prochainement sous réserve de validation.