Une « révolution fiscale » pour rendre l'impôt plus clair et plus juste

La gauche ne manquera pas de s'emparer de l'ouvrage dans la campagne présidentielle ; la droite pourra aussi s'en inspirer, même si ce sera sans doute avec plus de circonspection. Le livre que publient Camille Landais, Thomas Piketty et Emmanuel Saez, lundi 24 janvier, fera en tout cas débat. Même si le fossé est grand, entre les préconisations audacieuses de ces théoriciens spécialistes de la fiscalité et ce que peuvent en faire les praticiens, ministres et parlementaires, confrontés à la réalité politique. Les auteurs ne proposent rien de moins qu'une « révolution fiscale » pour la France, visant avant tout les impôts payés par les particuliers parce que, in fine, ce sont toujours les individus qui se trouvent taxés.On ne trouvera pas là une proposition de baisse massive des impôts, guère crédible aujourd'hui, ni des suggestions de prélèvements supplémentaires, permettant de renflouer les caisses publiques. Le raisonnement a lieu à prélèvement global constant : c'est l'architecture même du système qui est à revoir. Le constat est fait, assez peu contestable, de la complexité du système fiscal français et, par là, de son opacité. Le problème n'est pas seulement technique. L'incompréhension nourrit la suspicion sur « qui paie quoi », et donc le sentiment d'injustice fortement ressenti aujourd'hui par une grande partie de la population. Un sentiment alimenté également par la réalité de l'imposition sur le revenu en France : de fait, l'égalité devant l'impôt a disparu, puisque le principe « à revenu égal, impôt égal » n'est en réalité plus appliqué.Cela en raison de l'accumulation des niches fiscales. Des niches qui, tel le « Girardin industriel », permettent à un contribuable fortuné d'économiser 400.000 euros d'impôt pour un investissement de... 300.000 euros. Conséquence : contre toute attente, et à rebours des discours habituels, les auteurs font apparaître que le système est globalement « régressif ». Autrement dit, au-delà d'un certain niveau de richesse, on consacre aux impôts (tous prélèvements pris en compte) une proportion de plus en plus faible de ces revenus (voir le graphique ci-contre).Comment rétablir la lisibilité et l'équité du système ? La solution préconisée a le mérite de la simplicité : il ne faut pas plafonner ou raboter ces niches, comme le fait le gouvernement mais, au nom de la nécessaire simplification, les supprimer. Toutes. Et, autre simplification nécessaire, mettre fin à l'existence de deux impôts frappant le revenu, à savoir l'IRPP et la CSG. Nombreux sont les responsables politiques à évoquer une telle piste, mais, ainsi que le souligne Thomas Piketty, « jamais ils ne disent lequel des deux impôts doit prévaloir ».La « révolution fiscale » préconisée fait le choix de l'absorption du vieil impôt sur le revenu par la plus moderne CSG. Autrement dit, les contribuables paieraient seulement la CSG, prélevée à la source, mais à un taux plus élevé. Et, à la différence de la contribution actuelle, son taux serait progressif. Rien à voir avec le barème actuel de l'impôt sur le revenu, fondé sur des taux applicables à différentes tranches, et souvent incompris. Le nouveau barème fonctionnerait selon le principe de taux effectifs : chaque contribuable se verrait soumis à un seul taux, applicable à l'ensemble de son revenu. Avec 2.200 euros de revenu brut mensuel, il paierait simplement 10 % d'impôt, puis 13 % avec 5.000 euros, et ce, jusqu'à 60 %, pour un revenu mensuel de 100.000 euros. Ces taux d'imposition sont modulables, selon des choix politico-idéologiques. Une « flat tax », c'est-à-dire le même taux d'impôt pour tout le monde, est théoriquement concevable : pour maintenir le prélèvement global constant, elle serait fixée à 13 %. Les moins aisés seraient alors perdants. À l'inverse, un barème dit de gauche, assorti d'un taux très faible de 1 % en bas de l'échelle, prévoirait un taux de 70 % au plus haut. Mis en place par les auteurs, le site Internet www.revolution-fiscale.fr permet d'évaluer l'impact de différentes hypothèses, au choix de l'internaute.Quant au barème proposé par les auteurs, qui vise à rétablir une certaine progressivité de l'impôt, il aboutirait à des gains de pouvoir d'achat pour 97 % des contribuables. Les 3 % restants, aux plus hauts revenus, devraient s'acquitter d'une charge supplémentaire de 15 milliards d'euros. De quoi faire fuir à l'étranger nombre d'entre eux ? Thomas Piketty ne le croit pas, et met en avant la simplification du système et la capacité de l'administration à combattre la fraude fiscale, grâce aux accords de lutte contre les paradis fiscaux.Ce volontarisme signe les limites de l'ouvrage. Peut-on envisager une telle politique dans un monde ouvert ? Est-il concevable, en outre, de supprimer d'un coup toutes les niches fiscales, dont certaines, quoi qu'on en dise, jouent un rôle économique ? Thomas Piketty et ses coauteurs ont, en tout cas, le mérite de poser le débat sur le système fiscal tel qu'il est ressenti par les Français. « Un bon impôt est un vieil impôt », dit l'adage des fiscalistes. Mais à force d'injustice, il atteint sa date de péremption.Ivan Best
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