L'impossible mondialisation de la bière

Dans la région rurale et reculée d'Arequipa au Pérou, l'Arequipeña est la bière de choix depuis des générations. Voilà deux ans, SAB Miller, le groupe brassicole qui la possède, s'est dit qu'il pourrait imposer une bière concurrente colombienne, qu'il possède aussi, la Pilsen. Pour la fête annuelle du combat de taureaux, l'entreprise avait donc mis en vente cette seule marque, relativement inconnue pour la région. La révolte aura été terrible : les habitants ont vidé les tonneaux et détruit les stands. « Cela nous a servi de leçon », reconnaît Charlie Hiscocks, Director des marques de SAB Miller. L'anecdote résume bien le problème des grandes multinationales brassicoles. Alors qu'elles pourraient être tentées d'imposer des marques internationales, après des années de consolidation mondiale, l'attachement à la bière locale demeure extrêmement fort. SAB Miller en a désormais fait son credo : « être le plus local des brasseurs internationaux ».L'entreprise, qui possède plus de 50 marques à travers le monde, veut se concentrer sur chaque pays, en fonction des habitudes locales. Hormis quelques marques « premium », comme Peroni ou Miller, il n'est plus question d'essayer d'imposer une bière étrangère. Il n'existe d'ailleurs, à travers le monde, que 26 grandes bières internationales, dont les deux tiers appartiennent au groupe Heineken. « Nous avons quatre bières à vocation internationale, et ce n'est pas notre priorité d'en trouver une nouvelle », explique Charlie Hiscocks.difficile en EuropeLe problème est que cette stratégie limite les économies d'échelle, alors même que la conjoncture est difficile. SAB Miller, qui publiait jeudi ses résultats annuels (avril 2009-mars 2010), a réalisé un chiffre d'affaires en hausse de tout juste 4%. C'est particulièrement difficile en Europe (le groupe est essentiellement présent dans l'est du continent), avec un volume de ventes en baisse de 5% (l'action a perdu plus de 6% jeudi). Dans ce contexte, SAB Miller, créé en Afrique du Sud mais dont le siège social est à Londres, ne peut que réduire ses dépenses centrales (système informatique, administration...) mais n'a guère de marge de manoeuvre d'un point de vue commercial. Il envisage cependant de regrouper des usines en Europe, où le transport est relativement facile.L'approche locale permet cependant quelques vrais succès. En Chine, la Snow, également dans le portefeuille de SABMiller, est désormais la première bière au monde (en volume). L'an dernier, ses ventes ont encore augmenté de 10%. Pour autant, son exportation est quasiment impossible : la Chine n'est pas réputée pour sa bière à travers le monde, et la vente d'une bière chinoise à prix élevé semble difficilement imaginable. SABMiller reste donc condamné à continuer à travailler, pays par pays, pour gagner des parts de marché localement. Eric Albert, à Londre
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