Doug Liman a la mémoire de l'Amérique dans la peau

Présenté hier à Cannes en compétition, « Fair Game » déroule l'histoire de Valerie Plame, agent de la CIA grillée par la Maison-Blanche parce que son mari avait remis en cause la guerre en Irak. Le voilà enfin autorisé à jouer dans la cour des grands. « J'ai attendu ce moment toute ma vie. C'est la première fois que je fais le film dont j'ai toujours eu envie », confie Doug Liman à Cannes à l'issue de la projection de « Fair Game », seul film américain en compétition.C'est vrai que personne n'attendait là le réalisateur de « Mr & Mrs Smith », comédie d'action ayant scellé les amours de Brad Pitt et Angelina Jolie. Ou encore « Jumper », film fantastique où le héros avait le don de sauter du haut des pyramides d'Égypte ou de voguer sur les eaux d'Australie avec une planche de surf. Mais pour cette fois, Liman a abandonné l'action au profit d'une oeuvre politique inspirée de l'histoire vraie de l'ambassadeur Joseph Wilson et de son épouse Valerie Plame.Elle était considérée comme l'un des meilleurs agents de la CIA au point où on lui avait confié la joint Task Force sur l'Irak en 2001. Lui avait été reconnu par Bush père comme « a true american hero » pour avoir réussi à évacuer des milliers d'étrangers d'Irak en 1991. Et la CIA n'a pas hésité à l'envoyer enquêter sur un éventuel trafic de matériaux nucléaires entre le Niger et l'Irak en février 2002. Oui mais voilà, ses conclusions ne correspondaient pas à celles attendues par la Maison-Blanche, qui n'a pas hésité à les falsifier. Et à « griller » son épouse en divulguant son identité dans la presse pour le faire taire. « Je n'ai pas réalisé un film politique, se défend Doug Liman. Je voulais avant tout raconter l'histoire de deux personnes prises dans les filets d'un scandale dont les conséquences affectent autant le couple que la carrière professionnelle. » Reste que le film est une charge violente contre la presse américaine qui a relayé sans ciller la propagande gouvernementale. « J'imagine que ces journalistes espéraient ainsi avoir un accès privilégié à l'administration Bush. Et ce n'est finalement pas si grave que les coupables dans cette histoire n'aient pas payé. J'ai appris de mon père, qui a conduit les auditions de l'Irangate, que ce qui compte, c'est que les choses soient dites. »Lui les raconte ici de manière fluide, à travers une caméra nerveuse, dans un récit servi par deux acteurs exceptionnels, Naomi Watts et Sean Penn. « Plus Sean Penn passait du temps avec Joseph Wilson, plus il absorbait la personnalité de ce dernier jusqu'à devenir lui. On se serait cru dans « la Quatrième Dimension ».Reste à savoir si l'accueil réservé au film sera aussi mitigé qu'à Cannes. Chose étrange, les oeuvres sur l'Irak ne font pas recette. Mais au moins l'Amérique a-t-elle cette extraordinaire capacité à pouvoir regarder son histoire récente en face.Yasmine Youssi, à Canne
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