Jeudi 7 octobre. 11 heures. Siège de l'UMP

Xavier Bertrand était en train de perdre son calme. Le téléphone n'arrêtait pas de sonner. Et les nouvelles étaient peu rassurantes. Alain Juppé venait de donner une rapide conférence de presse à Bordeaux pour annoncer sa candidature à des primaires de l'UMP. Jean-François Copé venait de déclarer sur le site Internet du journal « Le Monde » qu'il réfléchissait à un « engagement personnel ». Michel Bettan, fidèle collaborateur du secrétaire général de l'UMP, se rongeait les ongles en attendant la retransmission télévisée du discours que devait prononcer Dominique de Villepin. Une conférence de presse de Martine Aubry était attendue dans l'après-midi.Sur LCI, le politologue Dominique Reynié discourait sur le « coup d'État à froid » de Nicolas Sarkozy. Le sondeur Gaël Slimane lui portait la contradiction en affirmant que le chef de l'État, loin de se garantir un plébiscite, avait « ouvert un boulevard à la gauche ». Des constitutionnalistes s'empoignaient sur les conséquences du choix présidentiel sur une Ve République déjà exsangue.Un pupitre transparent frappé du sigle tricolore du mouvement villepiniste « République solidaire » apparut à l'écran. En studio, les présentateurs faisaient patienter en rappelant le coup de théâtre de la veille. Soudain, l'ancien Premier ministre, longue silhouette, visage aigu, cheveux gris coupés court, fit son entrée. Dominique de Villepin sourit aux caméras avant de déplier deux feuilles de papier devant lui. « Françaises, Français, mes chers compatriotes. Hier, le président de la République a porté un coup fatal à l'esprit de nos institutions. En transformant ce qui doit être, ce qui doit rester un moment de communion républicaine, la rencontre entre un homme et un peuple, en transformant l'élection présidentielle en farce antidémocratique, en tragi-comédie autocratique. Depuis trois ans déjà, la France est abîmée, la France est abaissée par la volonté d'un homme, Nicolas Sarkozy. Il y a quatre mois, en créant République solidaire, j'ai voulu appeler au sursaut. Aujourd'hui, je mesure la responsabilité, je mesure la tâche qui est la mienne. En me portant candidat à la présidence de la République, hors des petits arrangements des partis, des petites cuisines sur les petits réchauds, j'appelle tous les républicains, toutes les femmes et tous les hommes de progrès à me rejoindre dans le combat qui commence. L'idée républicaine nous oblige et nous fait devoir. Je vous remercie. »Xavier Bertrand resta silencieux un long moment. Interrompu par le bourdonnement de son portable. Pas besoin de regarder pour savoir qui appelait. À l'autre bout de la ligne, Nicolas Sarkozy était métallique de colère froide : « Il se prend pour qui ce guignol ? Il sait ce que j'en fais de sa France ? Il se croit dans la Résistance ? Je vais me le faire, moi, Jean Moulin ! » Le secrétaire général de l'UMP rassura le chef de l'État : « Il n'a aucune chance. Les primaires vont le disqualifier dans notre électorat. Et le PS ne va pas lui laisser d'espace. C'est mort pour lui. »À la Maison de l'Amérique latine, où il avait fait sa déclaration solennelle, Dominique de Villepin se laissait aller aux confidences devant la presse : « Sarkozy est cuit. Il a cru réussir un coup de poker mais les Français ne sont pas dupes. J'ai des retours de plusieurs ministères, les administrations craquent de l'intérieur, on ne compte plus les hauts fonctionnaires qui veulent nous rejoindre. C'est une insurrection républicaine. » Et la gauche ? demandèrent les journalistes. « Pas crédibles, des guignols », lâcha l'ennemi intime de Nicolas Sarkozy.
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