« Nos relations avec l'État sont plus proches et plus claires »

La CDC est sur tous les fronts. La conséquence de sa mutation ?Notre vocation est d'être un investisseur de long terme et d'accompagner les entreprises et les projets utiles au pays. Mon prédécesseur a entamé des prises de participations significatives dans des sociétés cotées et l'action en faveur des PME. Il n'a pas eu le temps de changer le modèle de la CDC, opérateur des marchés financiers, initié au début des années 1980 et qui a trouvé son terme avec la vente d'Ixis. C'est ce que nous avons fait avec Élan 2020 en décembre 2007. Notre identité d'investisseur de long terme se déploie maintenant à grande échelle : développement de nos filiales, création de plates-formes d'investissement. Cette démarche était nécessaire à un moment où les entreprises avaient besoin de long terme, ce que la crise a montré. La création du FSI, voulue par le président de la République, est cohérente avec ce modèle.Les missions initiales du FSI ne doivent-elles pas être redéfinies ?Non. Le FSI n'est pas encore contraint d'effectuer des arbitrages dans son portefeuille pour répondre à des situations d'urgence. Un de ses défis est de dynamiser la levée de fonds privés pour le capital-développement et le capital-risque. Nous manquons d'acteurs privés pour financer les fonds de France d'investissement au sein desquels le FSI ne peut être que souscripteur minoritaire. Sur les 2,4 milliards d'euros habituellement apportés chaque année au capital-investissement, près de 600 millions manqueront à l'appel en 2011 car les banques et les compagnies d'assurances se désengagent de cette activité en raison des nouvelles règles de Bâle III et de Solvabilité II. Le FSI doit acquérir plus de visibilité en régions. Il est très connu par les grandes entreprises, mais personne ne mesure son action en faveur de quelque 2.500 PME.N'y a-t-il pas un risque de confusion entre l'action du FSI et celle de l'Agence des participations de l'État, l'APE ?En réunissant à son conseil d'administration des membres de l'APE, de la CDC et des indépendants, le FSI a permis une relation, professionnelle d'abord, confiante ensuite, entre l'APE et nous. Il n'y a plus de débat idéologique dès lors que nous sommes confrontés à des situations concrètes et à l'urgence de réaliser des investissements utiles pour les entreprises du pays.Pourquoi l'investissement dans La Poste a-t-il mis autant de temps à aboutir ?Dès 2007, j'ai cru, et on ne me l'a pas imposé, dans la pertinence d'un investissement dans La Poste en raison de ses 17.000 points de proximité avec les Français. C'est notre vocation de l'accompagner dans ses projets le plus vite possible. Le délai mis à sa réalisation n'est pas de notre fait.Avez-vous obtenu suffisamment de garanties ?La transaction est équitable. Un investissement de 1,5 milliard d'euros ne se réalise pas en quelques semaines, de surcroît pour une entreprise dont il fallait « révéler » la valeur, son capital n'ayant jamais fait l'objet de transaction. Nos commissaires aux comptes pourront chaque année, désormais, nous demander d'actualiser la valeur de La Poste en fonction de la réalisation de son plan d'affaires. Nous avons trouvé un équilibre qui ne lèse ni les intérêts de l'État, ni ceux de la CDC. L'accord est gagnant gagnant. Plus La Poste sera performante, plus la rentabilité de l'investissement sera forte, et plus il sera normal que la CDC et l'État partagent cette prospérité supplémentaire. Si La Poste est performante, la CDC accordera un complément de prix à l'État, tout en améliorant la rentabilité de son investissement.Serez-vous vous-même administrateur de La Poste ?Probablement.Quelles synergies y a-t-il entre vos activités et celles de La Poste ?Ces synergies existent. Nous allons entamer des travaux opérationnels avec le comité de direction de La Poste. Nous ne souhaitons ni être intrusifs ni nous substituer au management de La Poste.Votre entrée dans La Poste ne va-t-elle pas vous obliger à repenser vos liens avec la CNP, dont vous êtes tous les deux actionnaires ?L'entrée au capital de La Poste renforcera notre collaboration dans le cadre de CNP Assurances. Le montage capitalistique actuel n'a pas moins de sens qu'au moment où nous étions actionnaires à 35 % des Caisses d'épargne, ce qui me laisse penser qu'il sera gérable. Des synergies sont certes envisageables mais dans le respect de tous les actionnaires minoritaires. Ceux-ci n'ont pas manifesté de signes d'inquiétude.Avec Egis, votre travail d'accompagnateur est terminé ?La fusion entre Egis et Iosis, à laquelle je travaille depuis deux ans est une très belle opération. Cet accord, rendu possible par la mise en place d'un actionnariat salarié au sein d'Egis, devrait permettre l'éclosion d'un leader européen de l'ingénierie. L'opération de rapprochement donnera naissance à un groupe de 815 millions d'euros de chiffre d'affaires et 10.000 collaborateurs. Nous en serons actionnaires à 77 %, le solde étant entre les mains des dirigeants et des salariés du nouvel ensemble. Mon ambition est de faire d'Egis un acteur de rang mondial. C'est bien là la mission de la Caisse des dépôts.Comment améliorer le fonctionnement et la gouvernance d'Oséo ?Oséo a un rôle important dans l'innovation. Cette entité doit pouvoir réagir rapidement. Pour ce faire, elle est sur le point de réduire le nombre de ses structures juridiques de cinq à deux d'ici à quelques semaines. Nous aurons 27 % de ce nouvel ensemble.Quel taux de centralisation de l'épargne réglementée vous paraîtrait pertinent ?La Caisse des dépôts n'a aucun intérêt financier dans le débat en cours, car l'intégralité du résultat du fonds d'épargne est rétrocédée à l'État. Le débat aujourd'hui n'oppose pas les banques à la Caisse des Dépôts. Il met face à face les banques et l'État, puisque, avec les fonds d'épargne, ce dernier dispose d'une liquidité publique dont il décide l'affectation. En tant que gestionnaire des prêts sur fonds d'épargne, mon devoir est d'éclairer les pouvoirs publics sur le niveau de centralisation du livret A et du LDD à la Caisse des dépôts qui permettra à l'État d'honorer ses engagements sur les enveloppes de prêts au logement social, aux infrastructures, aux universités, aux hôpitaux et à l'assainissement des eaux usées. Compte tenu de la croissance des prêts, le taux de centralisation devrait atteindre environ 74 % à l'horizon 2020. Je crois qu'il est néanmoins possible d'en rester, à ce stade, au chiffre donné par Christine Lagarde en 2008 au moment du débat sur la LME, qui était de 70 %. Je vous rappelle que les prêts au logement social s'établissent aujourd'hui à près de 15 milliards d'euros par an contre près de 5 milliards au début des années 2000.Vous allez devoir verser 50 % de vos résultats à l'État. Disposerez-vous d'une marge de manoeuvre suffisante pour remplir vos missions d'intérêt général ?Oui. En 2009 nous n'avions pas diminué nos dépenses d'intérêt général théoriquement égales au tiers du résultat, alors que nous avions été déficitaires en 2008. Ces dernières années, nous y avons même souvent consacré plus de 50 % de notre résultat. Pour les années à venir, le groupe consacrera en tout état de cause plus du tiers, si ce n'est plus, de son résultat aux dépenses d'intérêt général. En ce qui concerne les modalités de versement de notre résultat à l'État, nous avons calculé que, compte tenu du plafonnement de cette contribution à 75 % du résultat social, le taux effectif du prélèvement devrait être, en moyenne, de l'ordre de 38 %.Où en sont les rapports entre l'État et la Caisse des dépôts ?Nous accompagnons l'État dans la recherche de ce qui est utile à nos concitoyens. L'évolution de nos relations depuis 2007 est à la fois marquée par une plus grande proximité, car nous sommes co-actionnaires des deux grandes entreprises que sont le FSI et La Poste, et par une plus grande clarté. Nous avons pris soin de préciser par écrit notre plan stratégique, nos doctrines d'investisseur avisé ou d'intérêt général et fait progresser nos règles de gouvernance. Maintenant chacun sait mieux ce qui anime la Caisse des dépôts.Propos recueillis par Pascale Besses-Boumard, Pierre-Angel Gay et Sophie Rolland
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