Limiter la machine à cash des banques pour éviter une crise systémique

Le président Obama veut frapper en plein coeur des banques. En limitant leur taille d'abord et, particulièrement, celle des activités de trading pour compte propre, qui ont fait leur richesse depuis dix ans. Qu'est-ce que le compte propre ?Pour une banque, cela consiste à investir sur les marchés financiers avec ses fonds propres. Elle a plusieurs manières de le faire. D'abord, elle peut directement acheter des produits financiers pour son compte en « prenant une position ». Les traders peuvent aussi réaliser de l'arbitrage. Cette technique consiste à jouer sur des écarts de prix ou sur des corrélations entre deux produits financiers. Enfin, la banque peut également investir elle-même aux côtés de ses clients. Lorsqu'elle leur vend des produits financiers non cotés en Bourse (comme les devises), la banque doit leur fournir un prix. Pour cela, elle va investir sur le même produit pour « créer » un marché et lui proposer un prix. Une banque d'investissement est donc obligée de réaliser du trading pour son propre compte, ne serait-ce que pour accompagner ses clients. C'est d'ailleurs le discours qu'elles tiennent en permanence pour justifier ces pratiques. L'inverse est aussi vrai. Les banques peuvent proposer à leurs clients d'investir comme elles. De cette manière, « elles les poussent à faire progresser leurs propres positions », note un ancien trader. C'est pour cette raison que beaucoup d'investisseurs estiment que les banques utilisent leurs clients pour gagner davantage d'argent et non pour les servir. Pourquoi le limiter ?L'objectif de l'administration Obama est de réduire la taille des bilans des banques et leur prise de risque. Leur gigantisme a obligé les gouvernements à les secourir sous peine de provoquer une faillite de l'ensemble du système bancaire en 2008. Les Américains veulent réduire leur taille pour pouvoir les laisser faire faillite en cas de crise et ne plus faire peser le risque sur les États et leurs contribuables. C'est aussi une manière indirecte, mais réelle, de diminuer les gigantesques enveloppes dédiées aux bonus. Combien gagnent ces métiers ?Le trading pour compte propre affiche les plus fortes rentabilités et permet aux banques d'être aussi riches et de distribuer autant de bonus. Chez Goldman Sachs, assimilée à un hedge funds géant, le trading pour compte propre représente environ deux tiers des revenus, soit environ 30 milliards de dollars en 2009. Dans les autres banques d'investissement, telles Deutsche Bank, Barclays ou Credit Suisse, il pèse entre 25 % et 40 % des revenus. Cette domination est due au fait que ces activités sont extrêmement rentables. Comme elles consomment peu de fonds propres, leur rentabilité est très élevée. Dans les activités de dérivés actions de BNP Paribas ou de Société Généralecute; Générale, le trading représente plus de la moitié des revenus pour des taux de retour sur fonds propres de 40 % en moyenne. Certains pôles de cette division, comme le trading haute fréquence ou certains produits d'arbitrage jouant sur la volatilité des marchés, peuvent, selon les spécialistes, dégager jusqu'à 100 % de rendement ! Un niveau sans comparaison avec le trading pour clientèle dont les commissions génèrent environ 15 % de rentabilité. Est-ce la bonne solution ?L'idée de diminuer la taille des bilans pour éviter les crises systémiques est bonne. Réduire le compte propre est la meilleure des solutions dans la mesure où cela diminuera la spéculation. Cette mesure entre parfaitement dans le cadre de la guerre contre les gros bonus et dans l'idée de favoriser le financement de l'économie. Mais elle ne va pas assez loin. « Cela ne va pas empêcher une banque de prendre une position géante de plusieurs milliards, ce qui constitue LE gros risque. Il faudrait fragmenter les activités et les limiter une à une », explique un ancien dirigeant de banque d'investissement. L'effet pervers de cette mesure risque d'être la spécialisation des banques sur quelques métiers, sans limiter les grosses prises de risques. La limitation aura en tout cas comme conséquence claire de favoriser l'essor des hedge funds (voir ci-dessous). Matthieu Pechberty
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