Vers un contrôle plus pointu des clauses abusives

Contester en justice une clause contractuelle dans les relations commerciales entre entreprises va devenir plus facile. La loi de modernisation de l'économie du 4 août 2008 (dite LME) a créé, via la notion de déséquilibre significatif, une nouvelle source de contentieux lorsqu'une entreprise (voire Bercy) estime abusive une clause dans un contrat qu'elle a signé avec un partenaire commercial. Il restait à connaître la démarche qu'allaient suivre les juges du fond pour apprécier cette nouvelle notion prévue à l'article L. 442-6 I 2° du Code de commerce. Toujours susceptible d'appel, un jugement du 6 janvier 2010 rendu par le tribunal de commerce de Lille est riche d'enseignements.Tout d'abord, les juges consulaires n'ont pas simplement regardé l'architecture générale des contrats signés entre Castorama et ses fournisseurs. Ils ont examiné chacune des clauses estimées abusives par le ministère de l'Économie, plus précisément par la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF). Alertée en juin 2009 par un fournisseur, la DGCCRF s'est penchée sur une pratique commerciale lancée en 2009 par Castorama qui exigeait le paiement des remises sous forme d'acomptes mensuels à des fournisseurs, en invoquant d'avoir dû réduire ses délais de paiement pour respecter la LME. Le distributeur bénéficiait pourtant d'un accord dérogatoire dans le secteur du bricolage. Par conséquent, il réglait les factures de marchandises avec un délai de paiement maximum de 75 jours fin de mois, soit deux à trois mois après le paiement de l'acompte mensuel par le fournisseur. En cas de retard de paiement, ce fournisseur se voyait imposer des pénalités.Après enquête, la DGCCRF a estimé que ces pratiques étaient abusives à l'encontre des fournisseurs de Castorama. Et Bercy a donc décidé de saisir la justice. Pour le tribunal de commerce de Lille, cette pratique des acomptes mensuels a entraîné une dégradation du fonds de roulement des fournisseurs. Les juges consulaires ont relevé par ailleurs que le système des pénalités a été fixé sans concertation. Et ils se sont appuyés sur un avis de 2000 du Conseil de la concurrence [aujourd'hui Autorité de la concurrence, Ndlr] qui avait posé des conditions pour qu'il y ait un accord dérogatoire sur les délais de paiement dans le secteur du bricolage. Un avis non respecté par Castorama, selon le tribunal.Les juges consulaires se sont également appuyés sur un avis de la Commission d'examen des pratiques commerciales (dite CEPC). Dans une situation similaire à celle de Castorama, cette commission avait considéré que de telles exigences contractuelles « étaient de nature à créer un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties au sens de l'article L. 442-6 I 2° du Code de commerce ». Le tribunal a donc condamné Castorama à verser une amende civile de 300.000 euros et à mettre fin à cette pratique commerciale abusive. Afin de s'éviter de mauvaises surprises à l'avenir sur le terrain des clauses abusives, les entreprises pourraient être tentées de saisir la CEPC pour avoir son avis. De fait, les juges du fond ne paraissent pas insensibles aux travaux de cette commission...Frédéric Hasting
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