« Les institutions françaises ferment leur porte à Google »

Vous êtes arrivé à ce poste à un moment où les critiques ont surgi sur Google au sujet de la fiscalité, du livre, de la presse, etc. Avez-vous trouvé une entreprise sur la défensive ?Non, pas du tout. C'est une entreprise qui est très concentrée sur ses clients. On a une vraie attention pour les internautes en termes de qualité d'expérience, et pour les PME que l'on aide à grandir. La critique vient peut-être de la taille et du succès. Google est sans doute l'entreprise qui a grandi le plus vite au monde. Sur la base d'une proposition de valeur qui est très forte, car, contrairement à beaucoup de médias, Google est rémunéré sur la base d'un résultat qu'il apporte à ses clients. Et cela apporte beaucoup à l'économie du pays.Quel est votre « apport » à l'économie française ?Google est un moteur de croissance pour les petites et moyennes entreprises dans des secteurs aussi variés que le tourisme, la production de biens ou les médias. Nos outils leur permettent de vendre à l'étranger sans avoir à constituer d'équipes de vente. Cela limite ainsi le coût et le risque pour les PME. Ça, c'est créateur d'emplois et de développement ! Nous apportons deux autres choses importantes à l'économie. D'abord, le moteur de recherche. Il a tout de même changé notre vie. On craint tous la globalisation, mais le meilleur instrument de défense de la culture locale, c'est la distribution des contenus dans le monde entier. Ensuite, nous redistribuons aux partenaires éditeurs qui nous confient la vente de leurs inventaires publicitaires 70 % du chiffre d'affaires généré. En 2009, cela a représenté environ 5,5 milliards de dollars dans le monde, soit un quart de notre chiffre d'affaires. En France cela a représenté 200 millions d'euros.Comment gagnez-vous de l'argent avec votre système d'exploitation pour mobile Android que vous ne vendez pas ?Nous avons une logique de masse autour de nos trois portes d'accès à la connaissance que sont notre moteur de recherche, Youtube et Google Maps. Le mot, la vidéo et la localisation. Notre intérêt est que ces outils soient de plus en plus utilisés partout. S'ils deviennent aussi forts sur mobile que sur PC, nous pérennisons notre modèle économique. Voilà pourquoi la mobilité est l'enjeu numéro un. La vitesse de diffusion des smartphones en Europe est impressionnante. Or les recherches à partir d'un téléphone ne sont pas les mêmes que sur un PC : 10 % des recherches sur un PC ont un caractère local, contre 30 % sur un téléphone mobile. Les formes de publicité vont donc évoluer, de nouveaux modèles vont surgir.Dans l'Internet fixe, vous trouvez que le modèle est stabilisé malgré les problèmes d'utilisation des données personnelles ?On s'intéresse à ce que les gens font sur le Net, pas à qui ils sont. Comprendre ce que recherche tel type de personnes à tel moment dans telle région permet d'apporter aux internautes des publicités qui correspondent davantage à leurs recherches. Cela diminue la déperdition pour les annonceurs et augmente la valeur de la publicité. Quand les médias refusent de faire évoluer la publicité au nom de ces données personnelles, ils se tirent une balle dans le pied.Comprenez-vous que l'affaire des donées récupérées par Street View légitime la crainte d'un « big brother » qui saurait tout sur nous à notre insu ?Il ne faut pas confondre la crainte légitime et la réalité des faits. Je pense sincèrement qu'il n'y a aucune intention de Google ni d'aucun autre opérateur d'utiliser ces informations contre les gens. Dans le cas de Street View, on a fait une erreur. On en est désolé. Nous collaborons avec les autorités pour que ces informations soient détruites ou en tout cas ne soient jamais utilisées.On vous reproche de ne pas déclarer tout votre chiffre d'affaires en France...Dans les règles d'aide à l'implantation de multinationales dans l'Union européenne, les pays mettent l'accent sur tel ou tel secteur : l'agriculture est plus aidée en France, la technologie est plus aidée en Irlande. On ne peut pas en vouloir à Google de respecter les textes. Notre plus gros siège européen est à Dublin où nous avons quinze fois plus de salariés qu'à Paris avec nos plates-formes technologiques et nos centres de production et de contrôle. Ce n'est pas une boîte aux lettres en Irlande. Si l'Europe veut changer le système, nous changerons. Mais ce n'est pas Google qui fait les lois. J'ajoute que nous ne demandons rien et ne touchons aucune subvention en France, contrairement à certains de nos concurrents. Mais nous sommes prêts à investir. En Italie, nous créons 100 emplois pour numériser les ouvrages de leur bibliothèque publique. Nous pouvons faire la même chose en France. Si les institutions nous ferment leur porte, c'est leur choix. La nôtre est ouverte.Vos discussions avec la Bibliothèque nationale de France ont-elles repris ?Les principes énoncés par la mission Tessier ne choquent pas Google. Ils sont sensés, et cela nous rend assez optimistes. Des réflexions sont menées pour savoir quel type de collaboration la BNF veut instaurer. Nous répondrons à ses appels d'offres dont on dit qu'ils seront lancés à l'automne. Ce que nous pouvons apporter, au-delà de la numérisation elle-même, c'est la diffusion des contenus. Globalement dans l'univers du livre, 40 % sont libres de droits. C'est donc un cadeau pour tout le monde que de les rendre accessibles à tous gratuitement, qui plus est en 170 langues. Je trouve cela beau pour la France de pouvoir proposer Victor Hugo à un Chinois, dans sa langue.Où en est l'enquête de l'Autorité de la concurrence sur l'abus de position dominante de Google en France ?Ce n'est pas une enquête, mais des demandes d'information auxquelles nous répondons. Nous verrons la direction que cela prendra. Personnellement, une position dominante de Google en France, je n'y crois pas. Regardez les autres acteurs, PagesJaunes, TF1 ou Lagardèrerave;re, les annonceurs ont le choix ! Propos recueillis par Sandrine Bajos et Jean-Baptiste Jacquin
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