De l'histoire aux romans

« Hors-la-loi » aujourd'hui, « Des hommes et des dieux » hier. À ces deux grands films on peut associer des livres?: « Salaam la France » de Bernard du Boucheron pour le premier et « la Grande Fête » de Karin Albou pour le second. Et continuer à explorer l'histoire récente de l'Algérie dont les écrivains français se sont longtemps tenus à l'écart comme paralysés par la guerre puis les relations tendues entre l'Hexagone et son ancienne colonie.Cette guerre qui ne disait pas son nom est au coeur du livre de Boucheron. Non pas les combats et les attentats mais cette haine entre « Blancs » et « indigènes ». Elle est ici racontée par un jeune « Francaoui » (métropolitain) débarqué en janvier 1954 avant d'être muté à Bou Djellal, commune perdue du Sud dont il est le seul médecin. Avec pour mission de soigner « les bons indigènes » et les filles du bordel.Il sourd de ce livre une haine féroce entre musulmans, juifs, colons, pieds-noirs et métropolitains. L'auteur pulvérise toute tentation de politiquement correct. Il n'y a pas une seule personne aimable ici. Au point où la lecture se fait parfois étouffante, voire épuisante.Lorsque Frédéric revient en Algérie après l'indépendance, la haine vouée à la France est plus féroce et revancharde que jamais. Le peuple, lui, a été laissé de côté par le FLN. Des années plus tard, de nombreux Algériens se tourneront vers l'islamisme qui débouchera sur la guerre civile des années 1990.C'est dans ces années-là que Karin Albou a choisi de situer son roman. Et de raconter à travers le personnage de la jeune Hanifa le sort réservé aux femmes du pays. Considérées comme mineures à vie, elles dépendent des hommes et sont souvent réduites à rester chez elles.La mort est omniprésente dans ce roman à l'écriture sensuelle, mâtinée d'accents durassiens, qui témoigne une fois de plus du talent de cette cinéaste (« la Petite Jérusalem »), passée à l'écriture.Yasmine Youssi« Salaam la France », Gallimard, 212 pages, 16,90 euros.« La Grande Fête », Éditions Jacqueline Chambon, 170 pages, 18 euros.
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