Arabie Saoudite : les mirages de Paris

L'Arabie Saoudite, autrefois vache à lait de l'industrie de défense française, est aujourd'hui devenue une terre de mirages pour les groupes d'armement tricolores, qui vont de frustrations en déceptions. En témoigne le fabuleux contrat, de l'ordre de 60 milliards de dollars, que les États-Unis et le royaume wahhabite vont signer après avoir commencé leur discussion en septembre 2009. La faute à qui ? Aux gouvernements français successifs, aux institutionnels du monde de la défense et aux industriels qui, de surcroît, n'ont même pas vu venir le plus gros contrat d'armement jamais signé, susceptible de figer pendant plus de vingt ans une grande partie de l'équipement militaire du royaume. « Les Français n'ont rien compris à l'Arabie saoudite et nos réseaux aveugles frappent aux mauvaises portes », explique un spécialiste des contrats export.Car Paris ne sait ou ne veut pas comprendre que Ryad a changé... même si Nicolas Sarkozy avait annoncé début 2008 un « changement de méthode » en matière de contrats. « Il y aura, notamment en matière d'armement, des contrats d'État à État, avait-il expliqué. Je ne veux pas d'intermédiaire, ce qui permettra à la fois de baisser les prix et, en même temps, d'éviter toute mauvaise tentation. J'ai démantelé certaines structures françaises qui n'étaient plus utiles ». En fait, sur le terrain, rien n'a changé... ou plutôt si, Paris a ravalé la façade : la société Odas a pris la suite de la Sofresa, chargée de négocier les contrats pour le compte de l'État, sans que les hommes et les méthodes aient véritablement bougé. « Odas ne m'aide pas. À quoi sert cette société ? » s'interroge aujourd'hui un industriel. Aucun contrat majeur à l'exception des avions ravitailleurs MRTT (EADS) n'a été signé depuis, si ce n'est une commande de canons Caesar fabriqués par Nexter.Si les méthodes de Paris n'ont pas changé, l'Arabie Saoudite, elle, a fait sa révolution. La plupart des chefs d'États-majors, d'anciens princes de la famille royale, ont été priés de partir au printemps dernier pour cesser de mélanger affaires publiques et affaires privées. Le roi Abdallah a repris en main le contrôle du ministère de la Défense (Moda) avec une volonté de faire cesser la corruption, explique-t-on à « La Tribune ». Et la France ? Elle a continué d'envoyer des intermédiaires à la réputation sulfureuse, qui aujourd'hui ne seraient plus reçus par les décideurs saoudiens. « C'est à nous de comprendre ce qu'ils veulent, les Moyen-Orientaux ne le disent jamais pour ne pas être outrageants », décrypte un autre industriel.nouvelle brouille« Nous avons tout à réinventer en Arabie Saoudite », explique un troisième industriel. Enfin, si Nicolas Sarkozy et le roi Abdallah, qui pourrait faire escale à Paris avant la fin de l'année après une visite aux États-Unis, arrivent à se voir après deux tentatives ratées. « Paris n'est plus une destination finale mais de raccroc », regrette-t-on. Le passage du roi servira peut-être à aplanir la nouvelle brouille franco-saoudienne. La France a choisi de construire une cathédrale orthodoxe sur le site de l'actuel siège social de Météo France, Quai Branly, alors que l'Arabie saoudite voulait y édifier sa nouvelle ambassade.Que peut alors espérer Paris ? Thales vise la revalorisation des systèmes antiaériens Crotale & Shahine pour les porter au standard Mk3 et DCNS mise sur la vente de frégates multimissions (Fremm) qui pourraient être fabriquées sur place. Mais le groupe naval doit faire vite car les Américains pourraient proposer, dès 2011, leurs frégates LCS. Enfin, les groupes français espèrent équiper la Garde nationale saoudienne.
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