Le soleil a rendez-vous avec la lune au Sri Lanka

Les yeux rougis de fatigue qui mangent un visage sombre, les pêcheurs sri lankais lapent le sucre - une denrée rare et chère - dans une main, leur verre de thé dans l'autre. Ils sont partis en mer ce matin vers 4 heures pour une première pêche. Il y en aura cinq d'ici à 9 heures du soir, pour l'équivalent de 60 euros par mois. Un seul jour de repos leur est octroyé par la tradition bouddhiste, dominante sur l'île : c'est celui de la pleine lune, férié pour tout le monde ? bouddhistes, musulmans, hindous et chrétiens, qui vivent en harmonie au Sri Lanka. En fonction du mouvement de la mousson, alternativement sur la côte Nord-Est, puis Nord-Ouest, ces pêcheurs nomadisent, depuis des temps immémoriaux. Aujourd'hui, cependant, ils découvrent le tourisme. Le gouvernement a en effet décidé, depuis mai 2009 et la fin du conflit armé entre autorités centrales et séparatistes tamouls, qui a duré une trentaine d'années, de développer le nord du pays, ancienne zone rebelle. Mais pas n'importe quel tourisme. « Nous voulons du tourisme haut de gamme, qui laisse une empreinte minimum sur l'environnement », explique Pradeep Fernando, architecte pour le ministère du Tourisme.Les autorités ont l'ambition de développer un complexe hôtelier sur des îles et dans des mangroves, au Nord-Ouest, en particulier, dans la région de Kalpitya. Reste à trouver les investisseurs. Pour l'heure, l'infrastructure hôtelière est balbutiante, mais c'est tant mieux : l'impression de Robinson y est encore plus forte, en marchant sur les longues plages de sable blanc, en admirant les côtes vierges de constructions du bateau parti à la recherche de baleines et de dauphins, en comptant toujours avec la gentillesse - encore spontanée - des pêcheurs et des villageois. Kalpitya offre la plage, mais aussi de la plongée sous-marine sur la barrière de corail, du ski nautique, de la voile. Pas question, cependant, pour le Sri Lanka, de « sea and sun » seulement. « Nous tenons la comparaison avec les plages et les coraux des Maldives, affirme le propriétaire de l'hôtel Alankuda Beach, mais nous offrons en plus de cela : une histoire, une culture, une faune incomparables. » De fait, à l'image du reste de l'île, le Nord regorge de sites, à une différence près : ils sont quasiment inviolés. C'est vrai pour le rocher du Lion de Sigiriya : 1.200 marches et des escaliers vertigineux, avec, en récompense, au détour du chemin, les peintures des « Demoiselles », sur la paroi rocheuse, un moine en robe safran, des enfants qui gambadent. C'est vrai également pour le temple hindou de Trincomalee, fréquenté exclusivement pour l'instant par des locaux et celui aux bouddhas couchés, recouverts de mille feuilles d'or, à Dambula. C'est vrai encore pour la réserve d'animaux de Minneriya, peuplée de buffles et d'éléphants qui viennent boire, à la fraîcheur du début de soirée, avant que la lune ne pointe. Que l'on prenne le train bringuebalant pour rejoindre Tricomalee, à l'Est, et l'on rencontre des soldats, certes, qui gardent encore les environs, mais aussi des passagers qui se font bercer par le roulis des rails, des paysans jamais avares d'un « ayubowan » (bonjour) sonore, ou des émigrés revenant visiter une région qu'ils n'ont jamais pu découvrir auparavant. Et si vraiment, cette douceur n'est pas suffisante, il reste le cocon de la médecine ayurvédique, une spécialité de l'île, avec ses massages de rêve, des pieds à la tête. On en sort rafraîchi et serein, prêt à admirer la lune qui caresse un paysage immuable.Lysiane J. Baudu, au Sri Lanka
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