Le temps des Gitans

Entre le centenaire de la naissance de Django Reinhardt, la sortie événement du film de Tony Gatlif « Libert頻, la tournée française des 100 Violons Tziganes, et la récompense attribuée au poète Alexandre Romanès, qui se produit jusqu'à fin mai avec son cirque porte de Champerret, la culture gitane connaît cette saison un regain de succès auprès du public.L'âme tzigane, vagabonde par définition, séduit. Indifférente aux vicissitudes du monde qui l'entoure, elle constitue un rempart face à la morosité ambiante. Et pourtant, l'errance et les persécutions sont le lot commun de tous les Gitans. Dans « Libert頻, le film de Tony Gatlif, une famille de Gitans se voit céder une maison pour éviter l'internement dans les camps du régime de Vichy, qui laissent présager la suite. Mais l'appel de la route est plus fort, et ils s'enfuient malgré le destin funeste qui les attend. L'indépendance est ce qui caractérise le mieux les Gitans. Attachés ni à la terre ni aux objets. « Pourquoi faire ? » s'exclame Alexandre Romanès, qui écrit dans « Paroles perdues », son deuxième recueil de poèmes : « Ils construisent des murs partout. Pour chaque mouvement de bras, une loi. S'ils pouvaient faire des parcelles avec le ciel, ils le feraient. » À la suite de Josef Kudelka et Tony Gatlif, Alexandre Romanès a reçu cette année le prix Romanès qui couronne les efforts d'une personnalité en faveur de la cause gitane. Dans son ouvrage un peu daté « Des bohémiens et de leur musique en Hongrie », le compositeur Franz Liszt écrivait, à propos des « rhapsodes » : « Égoïsme, avons-nous dit de leur insatiable soif de liberté et de leur désir effréné de jouir de chaque minute de leur existence. »« Rom », « Tziganes » « Manouches », « Gitans », autant de termes généraux et interchangeables, qui englobent une réalité pourtant fort variée. Les communautés tziganes ont bien souvent été définies en opposition aux populations locales plutôt que connues pour elles-mêmes. De quoi alimenter les fantasmes les plus fous chez les « gadj頻, les non-Gitans. Une culture du secret qui leur sied bien. « Pour vivre heureux vivons cachés », rappelle Alexandre Romanès. Or, c'est précisément cela qui séduit. Un spectacle gitan est imprévisible. À l'image de l'Orchestre des 100 Violons Tziganes, qui entonne « la Vie en rose » d'Édith Piaf sur la scène du Théâtre des Champs-Élysées à Paris, avec le même naturel dont il faisait montre en jouant Strauss ou Brahms l'instant d'avant. À bien y regarder, la culture gitane s'avère aussi diverse que les contours en sont fluctuants. Le génial guitariste Django Rheinardt, dont on a fêté au mois de janvier le centenaire de la naissance, n'a jamais su lire la musique. Premier musicien « fusion », il a intégré autant le jazz noir américain que le bal musette des faubourgs parisiens associé à diverses musiques d'Europe centrale, valses hongroises et musiques juives. Le « jazz manouche » qui en résulte, et qu'il a porté au firmament avec le Quintette du Hot Club de France, connaît une vogue extraordinaire, partout imité, jamais égalé. Les manifestations de la culture gitane véhiculent ce supplément d'âme synonyme de liberté, d'indépendance et non dénué d'un grain de folie dont le cirque Romanès est une belle illustration : une heure et demie de spectacle et de musique durant lesquelles s'enchaînent pas moins de 25 numéros, réalisés par tous les membres de la famille, y compris les plus jeunes enfants. Le violoniste Yehudi Menuhin, qui a fréquenté le cirque un temps, déclarait : « Dans ce monde moderne, bientôt on ne saura plus allumer un feu. Heureusement qu'il y aura encore les Tziganes. » Au moment où le quotidien ne nous a jamais paru aussi enchaînant, cette culture nous entraîne sur les chemins de l'aventure et résonne des accents d'une liberté hors de toute notion consumériste. De quoi entretenir notre fascination. Le cirque Romanès jusqu'en mai porte de Champerret.Alexandre Romanès, recueils de poèmes chez Gallimard. Pus d'infos sur la cause gitane : myspace. com/noukamaximoff
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