La censure, à cinq heures de Tel Aviv

Faut-il avoir du mépris pour les artistes et une singulière méconnaissance du cinéma israélien pour décider de boycotter un film réalisé par un cinéaste de l'État hébreu ? C'est pourtant l'option retenue par les salles d'art et d'essai Utopia pour « À 5 heures de Paris » de Leon Prudovsky, comédie sentimentale délicate mais totalement inoffensive, afin de dénoncer « l'agression israélienne contre les navires pacifiques qui voguaient vers Gaza », comme l'expliquait au « Figaro » le 10 juin dernier Anne-Marie Faucon, coresponsable des cinémas Utopia.Le raid de Tsahal est certes inqualifiable et indéfendable. Mais jusqu'à preuve du contraire, les cinéastes israéliens ne sont pas les porte-parole de leur gouvernement. La plupart utilisent d'ailleurs l'argent public qui leur est attribué pour dénoncer l'occupation israélienne dans les territoires, la politique de leurs dirigeants envers les Palestiniens, la violence entre les deux peuples ou la guerre du Liban. Nul n'a oublié « Valse avec Bachir » d'Ari Folman, « Les Citronniers » d'Eran Riklis, « La visite de la fanfare » d'Eran Kolirin, ou encore l'exceptionnel « Ajami » de Yaron Shani et Scandar Copti. Certes, on ne trouvera rien de politique dans « À 5 heures de Paris ». Mais c'est aussi le droit des artistes israéliens de ne pas être obligés de traiter de « bons » ou de « mauvais » thèmes.AntihérosIl est ici question d'un chauffeur de taxi amoureux de la professeur de piano de son fils. Nous sommes dans une petite ville du bord de mer, de la banlieue de Tel-Aviv. C'est là que vit Ygal, divorcé, un enfant, en bon terme avec son ex et avec le nouvel époux de cette dernière. Sa vie pourtant manque de saveur. Jusqu'à sa rencontre avec Lina, pianiste ratée d'origine russe dont le mari espère pouvoir prochainement émigrer au Canada. Rien d'exceptionnel, en somme. Et pourtant, avec humour et sensibilité, Prudovsky brosse un beau portrait d'antihéros à travers le personnage d'Ygal dont la tristesse et le mal-être sont universels. Sa rencontre avec Lina éclaire littéralement le film. Servi par d'excellents comédiens, une BO au charme désuet, le réalisateur procède par petites touches, capte de jolies scènes comme celle où la meilleure amie de Lina surprend le duo debout sur une chaise, apeuré par une souris. Et il est dommage que les spectateurs des cinémas Utopia, amateurs de comédies romantiques, en soient privés.
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