L'aide aux pays en difficulté de la zone euro : de la théorie à la pratique

Aider l'Irlande, l'Europe peut le faire. Le Portugal ? Passe encore. Mais si l'Espagne, qui subit aussi un éclatement de sa bulle immobilière, venait à son tour demander de l'aide, le Fonds de stabilisation européen (EFSF) créé en mai dernier y suffirait-il ? Rappelons que le principe de ce fonds est d'émettre de la dette à la place des pays qui n'ont plus accès aux marchés. Il ne réduit donc pas les besoins, il ne fait que les transférer vers une structure qui bénéficie d'une garantie mutualisée entre États membres. Mais, le diable se cachant dans les détails, sa capacité réelle de prêt aux États en difficulté n'est pas claire. Une analyse du fonctionnement du fonds montre que l'on est sans doute très loin des montants annoncés à grand bruit en mai dernier.Bruno Cavalier, chef économiste chez Oddo, qui s'est prêté à l'exercice, estime que la vraie capacité de prêt du fonds n'est pas de 440 milliards d'euros, comme annoncé alors, mais que l'on est plus proche de 255 milliards. D'abord parce que la première estimation supposait que tous les pays se portent garants des titres émis par le fonds. Or, fait remarquer l'économiste, aucun des pays qui demandera de l'aide ne pourra se porter garant, ce qui réduit le montant total des garanties à 357 milliards. Ensuite, pour que les titres émis par le fonds pour se refinancer puissent bénéficier de la note AAA des agences de notation, tous les États membres n'étant pas notés AAA il a fallu créer plusieurs dispositifs d'amélioration de la qualité du crédit. In fine, résume Bruno Cavalier, « si l'on part des garanties apportées par les pays notés AAA, sachant qu'en Europe, il n'y en a plus que cinq (l'Allemagne, la France, les Pays-bas, l'Autriche et la Finlande), la capacité réelle d'emprunt et de prêt du fonds se réduit à 255 milliards. »Les prêts du FMIIl est certes prévu d'y ajouter la facilité de financement de 60 milliards, ainsi que les prêts du FMI pour un montant maximal de la moitié des deux dispositifs précédents, soit 150 milliards. La capacité intégrale de prêt atteindrait donc un peu plus de 460 milliards d'euros. À supposer que, sur trois ans, l'Irlande ait besoin de 110 milliards et le Portugal de 63 milliards, le fonds de stabilisation européen suffira. Mais si l'Espagne devait solliciter le fonds - ce que les économistes excluent aujourd'hui -, ses besoins avoisineraient les 360 milliards. Dans ce cas, conclut Bruno Cavalier, « l'ensemble du dispositif n'y suffirait pas. » Valérie SegondCOMMENT ?Le Mécanisme européen de stabilité financière (EFSM), annoncé le 9 mai, prévoyait d'accorder jusqu'à 500 milliards d'euros aux pays européens qui ne pourraient pas se financer sur les marchés. Dont 60 milliards prêtés par la Commission européenne, via le mécanisme de ESFM. Et 440 milliards via le Fonds de stabilisation européen logé au Luxembourg, le fameux EFSF, si un pays en fait expressément la demande, et que celle-ci est approuvée par les instances européennes. Pour se financer, l'EFSF pourra lever des fonds avec la garantie des États membres de la zone euro au prorata de leur participation à la Banque centrale européenne (BCE). Ainsi, le montant de la garantie française s'élève à 90 milliards, celle de l'Allemagne à 119 milliards. En outre, il fut prévu que, en cas de besoin, le Fonds monétaire international (FMI) pourrait accorder jusqu'a la moitié des sommes prêtées via les deux mécanismes précédents, à savoir la moitié de 500 milliards, soit 250 milliards d'euros. Au total, ces trois mécanismes devaient donc, en théorie, permettre de mobiliser jusqu'à 750 milliards d'euros. Une force de frappe alors jugée considérable, et qui devait aider à faire face à tous les besoins de financement des pays de la zone euro susceptibles d'avoir des difficultés de financement. Mais derrière ce qui se voulait avant tout une arme de dissuasion face aux marchés financiers, fut rédigé un ensemble de garanties qui, au delà des effets d'annonces, devait réduire la portée réelle du mécanisme. Alors que le fonds est encore virtuel aujourd'hui, c'est avec l'Irlande que l'on découvrira les détails, et partant la réalité, de son fonctionnement. R. Ju. COMBIEN ?
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