« Washington fait preuve d'incompétence bancaire »

Les gouvernements du G20 gèrent-ils bien la sortie de crise financière??À la fin 2008, les gouvernements américain et européens ont pris des mesures très énergiques pour éviter que la crise se transforme en dépression. Mais leurs objectifs de réglementation vis-à-vis de l'industrie bancaire vont aujourd'hui bien trop loin. Contrairement aux idées reçues, l'avidité des banquiers et les fraudes ne sont pas à l'origine de la crise des crédits « subprimes ». Quand l'économie croît à un rythme très rapide pendant une période prolongée, elle développe des excédents de liquidités qui mènent à la spéculation, puis au krach. Ce fut le cas lors des crises financières des 400 dernières années et celle-ci n'est pas différente. Pas plus qu'ils n'élimineront les cycles, les gouvernements du G20 ne pourront éviter qu'une crise de cette ampleur se reproduise un jour. C'est impossible.Pourquoi le Trésor américain a-t-il milité avant Pittsburgh pour des normes prudentielles plus restrictives que les Européens??Parce que nos dirigeants sont populistes?! Les autorités fédérales et les élus qui siègent à la commission bancaire du Sénat, démocrates ou républicains, font preuve d'une incompétence inhabituelle en matière de banques. C'est aussi le cas du président et de son secrétaire au Trésor, Timothy Geithner, qui, lorsqu'il présidait la Réserve fédérale de New York, a facilité tout ce qui allait mener le système bancaire dans le mur. Cet adepte de la dérégulation veut maintenant tout surréglementer en multipliant les garde-fous. En imposant aux banques des normes plus contraignantes en termes de capitalisation, les pouvoirs publics vont pénaliser la reprise de l'économie. Parmi les réformes proposées, celle des normes prudentielles est la pire. Il suffit de regarder l'histoire pour se rendre compte que les banques américaines sont déjà surcapitalisées. Elles ont substantiellement renforcé leurs fonds propres, leurs liquidités, leurs provisions?: résultat, elles ne prêtent plus d'argent?!Le G20 a-t-il raison de vouloir encadrer les bonus?? Chaque travail mérite salaire?! Les modes de rémunération ne devraient pas du tout être réglementés. Les gouvernements du G20 surréagissent sur les bonus car ils sont incapables de réanimer l'économie. La structure des bonus n'est pas non plus responsable de la crise financière qui a eu lieu. Les Américains sont sous le choc de la récession, mais chaque génération en connaît une, même si celle-ci est particulièrement sévère. Aux États-Unis, personne ne s'indigne du fait que, en moyenne, un basketteur de la NBA gagne 5 millions de dollars par an, mais les gens sont furieux que, dans le même temps, un employé de Goldman Sachs touche en moyenne 800.000 dollars. C'est illogique.Ben Bernanke assure que le « shadow banking system » [désignant les activités hors bilan et offshore des banques ainsi que les hedge funds] ne regagnera pas sa taille d'avant la crise. Le croyez-vous??Il a tout faux. La masse monétaire combinée de l'Europe, des États-Unis, du Japon et de la Chine s'élève à 40.000 milliards de dollars. Si les pays du G20 augmentent les ratios de solvabilité des banques tout en faisant tourner la planche à billets, où vont aller les excédents de liquidité sinon vers le « shadow banking system »?? Il ne va pas se contracter mais au contraire se développer. L'aversion au risque a disparu?: le marché du papier commercial s'ouvre à nouveau, les introductions en Bourse ont lieu à un rythme soutenu en Chine? espérons que les opérations de marché soient organisées de manière plus scrupuleuse qu'il y a trois ans?! Je vous garantis que, d'ici vingt ans, nous connaîtrons une crise financière de la magnitude de celle que nous traversons et qu'elle aura lieu pour des raisons analogues. Même le président Obama, lorsqu'il s'est exprimé à Wall Street, a reconnu que certaines habitudes d'avant la crise étaient de retour.Malgré les efforts du G20, un retour des instruments toxiques est-il inéluctable??Des produits innovants continueront à être développés et certains d'entre eux seront extrêmement dangereux. Mais nous sortons d'une récession majeure, les changements réglementaires sont en cours et les établissements financiers cherchent à renforcer leurs fonds propres. De fait, vous ne verrez vraisemblablement pas de produits aussi dangereux que la titrisation des crédits « subprimes » se populariser d'aussitôt. Toutefois, les choses évolueront certainement d'ici à quelques années. Les réformes qui ont eu lieu après les krachs de 1929 et de 1987 n'ont pas empêché que des bulles se forment quelques années plus tard. Propos recueillis par Éric Chalmet, à New York
Commentaire 0

Votre email ne sera pas affiché publiquement.
Tous les champs sont obligatoires.

Il n'y a actuellement aucun commentaire concernant cet article.
Soyez le premier à donner votre avis !

-

Merci pour votre commentaire. Il sera visible prochainement sous réserve de validation.