Guerre des sexes à la BCE

Yves Mersch a deux défauts qui, depuis des années, semblent bloquer sa carrière. D’abord, il est Luxembourgeois. Il est même gouverneur de la banque centrale du Grand-Duché. Ensuite, c’est un homme. Double tare qui l’empêche pour le moment d’avancer, malgré son ambition et ses qualités supposées.Malheureux car LuxembourgeoisC’est en effet sa qualité de sujet du Grand-Duc de Luxembourg qui en 2010 lui avait valu une amère déconvenue. A l’époque, Angela Merkel espérait en effet placer « son » candidat Axel Weber, ci-devant président de la Bundesbank, à la présidence de la BCE. Pour remplacer Lukas Papademos, pas encore ex-premier ministre grec mais vice-président de la BCE sortant, la chancelière a finalement décidé de lâcher Yves Mersch,  qui en tant que Luxembourgeois était son candidat « nordiste » naturel, pour soutenir un candidat du « sud », le Portugais Vitor Constancio. Son idée : personne ne pourrait ensuite bloquer la route à Axel Weber, renvoi d’ascenseur et « équilibre géographique » obligent.Espoirs renouvelésLa belle stratégie d’Angela Merkel a finalement échoué. Axel Weber, vexé de ne pas être assez soutenu par Berlin et agacé par la politique « inflationniste » de la BCE a finalement jeté l’éponge. C’est un autre « sudiste » qui a pris la présidence de la BCE, l’Italien Mario Draghi. Alors Yves Mersch est revenu à la charge. Et cette fois, il y a vraiment cru. Le poste de l’Espagnol José Manuel Gonzalez Paramo au directoire de la BCE est devenu vacant. L’Espagne veut conserver son poste ? Halte-là ! Le directoire de la BCE n’est pas celui du Club Med. Yves Mersch y défendra les intérêts des faucons. Paris s’incline, Berlin applaudit. Rien n’empêchera plus le déménagement du Luxembourgeois à Francfort. Sauf que.Domination masculineSauf qu’Yves Mersch avait oublié un détail : non content d’être Luxembourgeois, il est aussi un homme. Et des hommes, il y en a déjà beaucoup au directoire de la BCE. En réalité, il n’y a que des hommes depuis le départ de l’Autrichienne Gertrude Tumpell-Gugerell à la fin de l’année dernière. Or, voici que le parlement européen s’inquiète de la présence féminine dans les instances européennes. Et comme le poste à pourvoir achèvera le renouvellement du directoire de la BCE, la nomination d’Yves Mersch ferait de cette instance un repaire d’hommes jusqu’en 2018. On trouvera ici un résumé des places au directoire depuis la création de la BCELe Parlement fait barrageYves Mersch a sans doute dû sourire d’abord de ces critiques. Mais il a vite déchanté. Car l’affaire est devenue sérieuse et lundi soir, la commission des finances du parlement européen a rejeté sa candidature sur ce prétexte. Sylvie Goulard, députée libérale française justifie ce vote en pointant que « cette nomination serait un mauvais signal envoyé à la moitié de la population européenne – autrement dit, aux femmes. »Options peu enviablesLa carrière du malheureux Yves Mersch menace donc de s’arrêter Avenue de Monterrey, à Luxembourg. A moins que, finalement, un compromis soit trouvé d’ici jeudi, lorsque le parlement votera en séance plénière sur le sujet. Ou que les chefs d’Etats et de gouvernements passent outre la décision du parlement, ce qui juridiquement possible. Mais dans les deux cas, Yves Mersch aura à se repentir de son appartenance au sexe fort. Un compromis réduirait sans doute son mandat pour passer précocement la main à une dame. Un passage en force ferait de lui un symbole de la phallocratie monétaire ! Les deux options ne sont guère enviables…Intérêt de l\'opération ?Finalement, le vrai problème est sans doute ailleurs. Nul ne conteste en réalité, les « compétences » d’Yves Mersch, ni même – et c’est là bien pire – son inclination de « faucon » orthodoxe proche de la Bundesbank. On ne s’interroge pas davantage sur ce que serait une « gestion féminine » de la politique monétaire. On s’arrête à une simple question de représentation. Or l’Europe en crise a moins besoin de quotas que d’une politique économique et financière efficace et active. Si seule une femme peut l’apporter, alors il faut écarter Yves Mersch. Si on veut en revanche remplacer Yves Mersch par son équivalent féminin sur le plan monétaire, l’intérêt de l’opération restera à prouver.  
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