Le piège judiciaire est en train de se refermer

Chaque époque a les « ennemis publics » qu'elle mérite. Les années 1970, marquées par la double influence de l'anarchisme et du pacifisme, avaient ainsi vu émerger le braqueur sans foi ni loi Jacques Mesrine, et son confrère « sans arme ni violence » Albert Spaggiari. Rien d'étonnant, alors, à ce que les années 2000, celles de la dérégulation et de l'hypertrophie de la finance, se soient terminées par l'affaire Kerviel. De fait, c'est au nom de « l'ordre public, économique et financier », rien de moins, que le ministère a requis ce jeudi 5 ans de prison, dont 4 fermes, à l'encontre de l'ancien trader accusé d'avoir fait perdre 4,9 milliards d'euros à la Société Généralecute; Générale. Le réquisitoire, implacable, n'a pas fait ciller le jeune homme de 33 ans, dont la personnalité est restée un énigme.Le vice-procureur Philippe Bourion n'y est pourtant pas allé de main morte. Balayant tous les épithètes employés au cours du procès pour décrire les positions spéculatives dissimulées par Kerviel, « stratosphériques, inhumaines, folles, insoutenables (au plan cardiaque), irréelles, inimaginables, impensables », il leur préfère celui de « guerrières », car elles étaient de nature à « détruire la banque ». Il dénonce la position « extravagante » de la défense, qui présente les défaillances des contrôles comme un blanc-seing, voire un encouragement : « On ne m'a pas arrêté donc je ne suis pas coupable. » Et compare Kerviel, à un anaconda qui enserre ses victimes, jusqu'à l'expert psychologique qui l'a trouvé normal, avec ses « mots d'escroc ». Ecartant, comme mobile, l'espoir de bonus ou de reconnaissance et le militantisme anti-banque, il émet l'hypothèse d'un « Bovarysme financier », le besoin de vivre une autre vie pleine de « sensations fortes ». « Traumatisme planétaire »Prenant le relais, Jean-Michel Aldebert, s'emploie à démonter la stratégie de la défense, qui a tenté de « faire passer la Société Généralecute; Générale du statut de victime à celui de coupable ». Un argument clé, qui vise à dissuader le juge d'interpréter les failles du système de contrôle de la banque et les incompétences des managers de Kerviel comme autant de circonstances atténuantes. Le chef de la section financière du parquet dépeint Kerviel comme « un homme qui avait le contrôle total de ses actions », « un manipulateur, un tricheur et un menteur ». Il détaille les différentes techniques frauduleuses utilisées par le trader, notamment les 947 saisies d'opérations fictives, les mensonges et les emails contrefaits. Affirmant que « cette affaire a entraîné un traumatisme planétaire », il conclut en exhortant le tribunal à empêcher « qu'un jour, un autre Kerviel commette l'irréparable ». Benjamin Jullie
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