Réforme de l'assurance-vie : go François, go !

La crise réduit massivement la valeur de certains actifs : division par quatre de la valeur des obligations souveraines grecques, baisse de 50% des indices-actions depuis 5 ans en Europe, chute d\'un tiers des prix de l\'immobilier aux Etats-Unis... Cet appauvrissement actuel des épargnants illustre la contrepartie de la confortable rentabilité de l\'épargne observée depuis plus d\'un siècle. Les importantes moins-values observées sur les actifs financiers depuis le début de la crise nous rappellent un des fondements de nos économies capitalistes. Dans un monde où le capital humain individuel est difficilement diversifiable, il est désirable de faire porter sur le facteur capital l\'essentiel du risque d\'entreprendre. Encore faut-il que les épargnants acceptent de porter le risque macroéconomique. Cette acceptabilité est vitale pour ce qu\'il reste de notre dynamisme économique. Cette question est au cœur du rapport des députés Berger et Lefebvre qui a été récemment remis au gouvernement.Des produits d\'épargne fragiles qui doivent être repensésDepuis des décennies, la tendance partout dans le monde, et en particulier en France, a été d\'offrir des produits d\'épargne à capital garanti ou à bénéfice défini. Les conséquences de cette intermédiation financière de l\'épargne populaire sont bien connues : une épargne abondante, une croissance sans précédent de l\'accumulation de capital par l\'investissement productif, mais aussi une terrible fragilité cachée du système aux chocs récessifs de grande taille.  C\'est ainsi que beaucoup de fonds de pension à bénéfices définis dans le monde seraient aujourd\'hui en faillite si on valorisait leur passif avec le bon taux d\'actualisation. En France, l\'assurance-vie a tenu bon, mais la crise force à repenser le modèle. Ce qui a été possible dans le passé ne le sera plus à l\'avenir parce le système devra être beaucoup plus résilient aux catastrophes macroéconomiques majeures.Renforcer les fonds propres des assureurs pour les encourager à investirFace au refus actuel de la plupart des épargnants d\'accepter une perte en capital dans ces scénarii, le renforcement progressif des fonds propres des intermédiaires financiers est certainement une nécessité. Sans autre réforme, les assureurs, pourtant réputés investisseurs de long terme, vont réduire leur participation au financement des investissements longs et donc risqués, comme ils ont commencé à le faire depuis 3 ans en vendant une bonne part de leur portefeuille d\'actions et d\'immobilier.Comme l\'assurance-vie pèse quelques 1 500 milliards d\'encours en France, cette évolution est catastrophique pour notre pays car elle exclut du partage du risque d\'entreprendre les épargnants, a priori les mieux disposés à en supporter toutes les conséquences. Et comme la rentabilité des placements obligataires est très faible, cette stratégie conduira à une désaffection cette assurance-vie.Vers des produits d\'épargnes rentables, mais pas garantisLe Rapport Berger-Lefebvre va dans le bon sens en abandonnant le caractère acquis des performances passées, le fameux effet cliquet. Mais il maintient la garantie en capital au terme du contrat d\'assurance-vie en euro. Or, globalement, il est impossible de financer les entreprises tout en garantissant aux investisseurs de ne pas avoir à digérer une partie de leurs pertes en période de crise. La conjonction du renforcement des normes de solvabilité, de la très faible rentabilité des obligations et de la digestion des leçons de la crise actuelle va inéluctablement rendre la garantie en capital de l\'assurance-vie traditionnelle extrêmement chère. Le marché sera alors forcé à innover, en offrant des produits d\'épargne à moindre garantie, mais à plus forte rentabilité anticipée. En effet, la migration volontaire vers ce type de contrat relâchera les exigences en fonds propres des assureurs, et redonnera de l\'appétit au secteur pour les financements longs dont notre économie a urgemment besoin. L\'assurance-vie doit être au service du financement de long terme des risques d\'entreprendre, avec un avantage fiscal permettant de lisser dans le temps ces risques entre générations d\'épargnants. Il faut que ceux qui refusent de porter solidairement ces risques paient dorénavant le vrai prix de cette assurance supportée par les autres. Dommage pour eux, et pour nos entreprises.  *Christian Gollier est président du Comité d\'Orientation de l\'Observatoire de l\'Epargne Européenne
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