Pourquoi le programme d'Angela Merkel n'augure pas d'une relance allemande

Les admirateurs français d\'Angela Merkel ne tarissent pas d\'éloges sur le programme commun de la CDU et de sa sœur bavaroise la CSU en vue des élections fédérales du 22 septembre prochain. La chancelière aurait enfin saisi la nécessité d\'une relance en Allemagne et elle se montre prête à mener une politique généreuse outre-Rhin afin de doper la consommation allemande.Colère des LibérauxIl est vrai qu\'à première vue, le programme de la CDU ressemble bien plus à un programme social-démocrate qu\'à un programme d\'austérité comme elle en a tant prôné pour le reste de la zone euro depuis 2010 : une réforme fiscale, une augmentation des allocations familiales, un complément de retraites pour les parents d\'enfants nés avant 1992, une limitation des loyers, la généralisation des salaires minimum. Ce programme a provoqué les hauts cris de l\'allié actuel d\'Angela Merkel, le FDP libéral. Son leader et ministre fédéral de l\'Economie Philipp Rösler a indiqué dans les colonnes du Handelsblatt que ce programme était « guidé par le doux poison des dépenses publiques. »Stratégie double de la coalitionEn réalité, tout se passe comme si les rôles des uns et des autres au sein de l\'actuelle coalition avaient été scrupuleusement répartis : Philipp Rösler joue ici le défenseur de l\'orthodoxie budgétaire afin de s\'assurer le vote des conservateurs et ceux qui étaient tentés de voter pour le parti anti-euro AfD (Alternative für Deutschland). Angela Merkel, elle, avec son programme, ratisse comme à son habitude, au centre, jusque sur les terres du SPD, auprès d\'électeurs déçus par le bien peu convaincant candidat social-démocrate Peer Steinbrück. Ainsi, la coalition actuelle pourra-t-elle gagner sur tous les tableaux. Le FDP espère ainsi franchir la limite des 5 % qui lui permettrait d\'entrer au Bundestag et qui ouvrirait la voie à la reconduction de l\'actuelle coalition. Quant à Angela Merkel, elle y gagne une amélioration de son image à l\'étranger et renforce son avance sur le SPD.Rhétorique de campagneOn est donc surtout dans la rhétorique de campagne. Angela Merkel sait prendre ses distances avec ses propres programmes. Elle en a même fait une vraie marque de fabrique. Au nom du pragmatisme, la chancelière n\'hésite pas à enterrer ses programmes. En 2005, face à Gerhard Schröder, elle se veut la « Margareth Thatcher allemande », elle promet un « choc libéral. » Mais toutes ses bonnes intentions deviennent bientôt lettre morte. Alliée au SPD dans le cadre d\'une « grande coalition », elle mène une politique très prudente. Elle laisse même le SPD finaliser les réformes Schröder avec la hausse de la TVA et la réforme de la retraite. Sinon, Angela Merkel ne décidera entre 2005 et 2009 aucune réforme d\'envergure. Mieux même, dans la foulée de la crise de 2008, elle mènera une politique de relance très keynésienne. En 2009, le thème de la campagne, ce sont les baisses d\'impôts. Le FDP propose une réduction globale de 50 milliards d\'euros. La CDU doit suivre et, finalement, promet 25 milliards d\'euros. La coalition de droite emporte les élections. Mais en mai 2010, Angela Merkel siffle la fin des promesses et reporte sine die les baisses d\'impôts, faisant de la consolidation budgétaire sa priorité. Finalement, il n\'y a aucune raison qu\'elle n\'enterre pas aussi son programme pour son troisième mandat.Maintien de l\'objectif budgétaireDu reste, une lecture attentive de ce programme ne laisse aucun doute sur les vraies intentions de la chancelière. En entame du texte, CDU et CSU préviennent que leur ambition principale demeure de « ne contracter aucune nouvelle dette » durant la législature 2013-2017. Autrement dit, les Chrétiens-démocrates s\'imposent une rigueur encore plus rigide que ce qu\'autorise la Constitution allemande qui, à partir de 2016, qui tolère encore un déficit pour le budget fédéral de 0,35 % du PIB. Et de prévenir que le reste du programme, ce grand projet de relance, est soumis à cette condition. Autrement dit, sans croissance suffisante, ces promesses resteront au rang de projets et de bonnes intentions.En défense de la compétitivitéDe façon générale, la gestion de la crise européenne par le gouvernement fédéral a assez montré que la chancelière ne souhaite pas mettre en péril la compétitivité des entreprises allemandes. C\'est pour cela qu\'elle a fait choisir aux Européens la voie des « dévaluations internes » sans réévaluation de la part de l\'Allemagne. Une voie moins coopérative que dans les années 1970 où le mark avait été plusieurs fois réévalué. En réalité, le programme de la CDU est un programme de défense de cette compétitivité. La réforme fiscale vise à effacer la « kalte Progression » (progression froide), un phénomène qui conduit les hausses de salaires destinés à compenser l\'inflation à être engloutis par les impôts. En compensant l\'inflation, l\'Etat donne un avantage à l\'entreprise pour limiter les hausses de salaires dans les négociations. Au final, les hausses de salaires qui inquiètent tant les entrepreneurs. Deuxième point : le salaire minimum. La CDU se garde bien de proposer, comme la SPD, un salaire minimal unitaire. Ils devront être prescrits par branche et dans les secteurs où il n\'y a pas de négociations collectives. Ceci permet de préserver la compétitivité des entreprises en assurant à chaque branche un salaire minimum adapté. Il n\'y aura pas donc de hausses massives de salaires dans la foulée et les hausses futures seront maîtrisées. Bref, avec ce programme, Angela Merkel, bien loin d\'être un programme de relance, est au contraire un programme de défense de la compétitivité des entreprises. Seul le grand savoir-faire politique d\'Angela Merkel permet de faire passer ce programme pour un projet de réduction de l\'excédent courant allemand.  
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